lundi, 04 mars 2024 18:58

Natation : Antoine-Romain Rozwadowski raconte ses World Masters Swimming Championships au Qatar

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Voici la suite des aventures d'Antoine-Romain Rozwadowski aux World Masters Swimming Championships de Doha au Qatar.

L'eau libre terminée, je tourne un peu en rond sur l'aire d'arrivée. Content de ma course dans un premier temps, ça a nagé vraiment fort... La question me revient en boucle : et si j'avais pris les pieds de celui qui a terminé troisième... 

Un peu groggy, je finis par bouger, avec, déjà, une furieuse envie de refaire des eaux libres. "Ce sera pas bien avant mai, de toute manière..."

Un Uber, et je file à la piscine. Du moins, à l'Aspire Dome. C'est gigantesque ! Comment ne pas s'y perdre... Des stades, des salles de basket, des tables pour pongistes, des piscines et des piscines. Jamais vu ça. Des piscines pour faire de la synchro, d'autres piscines pour faire des échauffements de synchro, des piscines de polo, pour les matchs et d'autres pour les entraînements, un bassin de 50m par 10 lignes.

"Ah non, c'est pas là, mais en face !"

En face, dans le fameux Dôme, se trouvait un stade de foot couvert avec tribunes, qui a été transformé pour l'occasion en une piscine éléphantesque. Jeux de lumières, moquette absolument partout autour du bassin, sono dernier cri, bluffant. Juste à côté, un autre bassin de 50m et 10 lignes d'eau. Des salles de sports, des jacuzzis, une fosse à plongeon, des salles de tout ce qu'on veut, et puis, à l'extérieur, un énième bassin de 50m par 10 lignes. 

Mais avant de pénétrer, il faut montrer patte blanche, équipé de son accréditation et faire passer son sac aux rayons X. A chaque fois.

"Vous avez une cuillère !

- Euh... Oui, peut-être. Disons que si vous la voyez aux rayons... C'est que j'en ai une, oui.

- et qu'est-ce que vous faites avec une cuillère pour entrer dans une piscine ?

- la cuillère ? C'est pour retirer les yeux des orbites de mes adversaires. Plop !"

Et je mime le geste avec ma main. Ça ne le fait absolument pas rire. Bide complet, Antoine-Romain...

Un petit plouf dans le bassin de compétition histoire de prendre de premiers repères. Avec les lumières et l'immensité de la salle, c'est plus que nécessaire. Et puis ça me fait la récup des 3km de ce matin.

Le lendemain, j'ai davantage de temps pour barboter. Les épaules et les muscles du dos sont courbatus et biens durs. Les muscles du cou, aussi, surtout à droite, côté où je respire. J'ai dû tourner la tête 900 fois, peut-être même plus hier, ça laisse des traces.

Et puis il faut se garder un petit temps pour faucher la forêt de poils qui s'étend du bout des orteils aux tempes. En eau libre, le mode sanglier du Vexin est habituel. Ce ne sont pas quelques poils qui changeront quelque chose au milieu des vagues et des coups qui fusent. Mais en bassin... On cherche le gain marginal, et surtout cette sensation de l'eau qui glisse sur une peau lisse et douce. Alors c'est parti pour la contorsion, pour ne pas oublier une touffe ici ou là. À un moment j'ai l'impression d'être une girafe, les jambes étrangement arquées, lorsqu'elles vont boire au marigot, à l'affût d'un prédateur affamé...

Première course en bassin, le 800m nage libre. Mon objectif, accrocher un top 10, ce que me ferait finaliste, et rafraîchir le record régional Auvergne Rhône Alpes.

Je sais que le Russe, à ma gauche, n' est pas venu faire des colliers de nouilles. Et quand je le vois partir, je m'en tiens à mon allure. Au 200m, je me contorsionne pour jeter un oeil à l'immense écran géant où les temps s'affichent. 2'17, parfait. Heureusement que mes coachs ne sont pas là, j'aurais pris une sacrée rouste s'ils m'avaient vu faire cette manœuvre, qui ne fait pas gagner beaucoup de temps... Au final, je termine 6ème et prends le record région. Mission accomplie.

2ème course en bassin, le 400m nage libre. Nouvelle meilleure performance personnelle et record de Haute-Loire, qui me permet de me classer 8ème. Qu'est-ce que ça nage fort ! En même temps... Ce sont les championnats du monde !

3ème course en bassin, le 200m 4 nages. Plus la distance se raccourci, plus mes adversaires sont grands... Les pectoraux gros comme des melons et le 6-packs (comprenez les abdos) comme le disent les anglo-saxons, sont de sortie. 

A l'échauffement, Justin, un allemand avec qui j'ai sympathisé, me demande comment je me sens. "C'est l'hallu ! J'ai l'impression que mes mains ont doublé de surface tellement j'ai des appuis en papillon !"

Dans ma série, j' ai, entre autres, le champion de France en titre, qui m'a battu à Antibes en juin, le Norvégien qui m'a battu en Finlande et à Madère... Je suis remonté comme un coucou.

Je me fixe de penser à respecter une consigne particulière par nage. En papillon, je ferai attention à bien m'étirer lorsque les bras passeront devant. En dos, je serai attentif au roulis d'épaule. Et à la position de la tête. Et à bien dissocier la phase de traction de celle de poussée. Et surtout à augmenter la cadence des bras. "Zut, ça fait 4 consignes !". En brasse, glisser après avoir fait l'écureuil... Et en crawl, à augmenter la cadence lorsque les muscles seront perclus d'acide lactique.

Au bout du compte, je prends ma revanche sur les copains, et je termine à nouveau 6ème, en réalisant une meilleure performance personnelle et le record de Haute-Loire.

Je me dirige vers le bassin extérieur pour récupérer. Le Muezzin appelle les fidèles à la prière. Sa voix est portée par les minarets alentours. Et devant ce grand rectangle bleu baigné de soleil, j'ai l'impression qu'on m'appelle à aller faire des longueurs. A la différence d'Ulysse qui a résisté aux chants ses sirènes, je ne me fais pas prier pour piquer une tête et enchaîner avec un plaisir certain, les allers retours, en glissant, et en ne faisant qu'un avec mon élément, le solvant miracle...

Demain, journée de repos, je vais aller faire quelques visites et traverser le souq. Il paraît qu'il y a le festival de la datte, je vais m'en faire péter le bide !

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