samedi, 25 novembre 2023 08:06

Monistrol-sur-Loire : la patate, un aspect peu connu de la « Grande Guerre »

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Jeudi 23 novembre au Château des évêques, s’est tenue la première conférence du cycle « Un regard sur l’Histoire Sociale en Haute-Loire ». Devant un public nombreux, Annie Gentes, du Centre d’histoire sociale de la Haute-Loire a parlé des « pommes de terre, un enjeu majeur pendant la Grande Guerre ».

Se basant entre autres sur les archives départementales et sur ses archives personnelles, ainsi que sur l’ouvrage de René Dupuy La vie pendant la Grande Guerre, elle a évoqué de 1914 à 1918 la question fondamentale de la nourriture et du ravitaillement pendant la première Guerre Mondiale.

Annie Gentes a montré des cartes postales, mais également des affiches ou encore des œuvres d’art du musée Crozatier. La conférence débutait par le thème de la mobilisation avec la présentation d’une statuette de Victor Zan conservée au musée Crozatier.  Un paysan abandonne sa faucille et donc ses champs pour répondre à l’ordre de mobilisation générale d’août 1914.

Les soldats mangeaient-ils à leur faim ? Sur les cartes postales, les chaudières à cochons permettent de préparer l’unique plat, le rata. Dans Le Mouchoir, le journal des tranchées, figure en bonne place la roulante. La pomme de terre était essentielle comme le montrent les nombreuses cartes avec la « corvée de pluches » par les soldats.

En Haute-Loire, outre les habitants, il fallait également nourrir les prisonniers allemands, mais également les suspects civils internés entre autres à la Chartreuse de Brives-Charensac et à Aurec ou encore les prisonniers polonais à Espaly. En 4 ans, ce sont quelques 10 000 prisonniers qui sont passés par le centre de détention d’Espaly. Il ne faut pas oublier que le  ravitaillement concerne aussi les hôpitaux, et également les réfugiés.

De plus, la Haute-Loire, comme d’autres départements, était soumise aux réquisitions pour fournir des tonnes de précieux tubercules à Belfort.

Au début des mutineries dans les tranchées, c’est-à-dire en 1917-1918, il est demandé de faire un effort concernant le travail des enfants. Une carte postale des mines de la Taupe à Auzon les montre ainsi en train de trier les remblais de charbon. En parallèle, les évolutions agricoles et alimentaires se multiplient : outre un espacement plus important des plants dans les champs, les pommes de terre gelées sont consommées cuites au four, les friches sont désormais cultivées et les français sont incités à consommer des légumes de substitution comme les navets ou les rutabagas.

En mars 1917, face à « l’évasion » des pommes de terre qui sont vendues dans le midi, l’exportation est interdite et 400 tonnes sont ainsi récupérées et saisies dans les gares du département en moins de 15 jours.

Malgré les réquisitions, le commerce reprend. Ainsi les pommes de terre représentent, à côté du bois et du foin, la majorité des échanges. Dans les champs on constate des vols, les paysannes se font arracher leur panier au marché. Finalement en 1917, le jardin public du Puy, l’actuel jardin Henry-Vinay est transformé en potager sous la direction de l’architecte Achille Proy. Les récoltes de 9 tonnes permettent de nourrir les veuves de guerres et les familles indigentes. Progressivement tous les espaces verts du Puy et les parterres des avenues se couvrent de plantations de pommes de terre. Ainsi la statue de La Fayette, boulevard Saint-Louis au Puy, vit fleurir à ses pieds des plants de « parmentière ».

Une ferme-école à Saint-Paulien

La conférencière a évoqué plus particulièrement la ferme-école de Nolhac près de Saint-Paulien. L’institution ouvre ses portes en 1849. Après un concours d’entrée, les 38 apprentis recevaient un enseignement agricole mais également horticole. Le registre de la ferme enregistrait 360 variétés de pommes de terre en 1893 sur lesquelles 156 ont été conservées en raison d’un meilleur rendement, parmi lesquelles La fin de siècle ou encore La saucisse rouge. Après la fermeture en 1916, les hectares sont réquisitionnés. En raison du manque de personnel, cette période voit le début de la mécanisation avec l’utilisation du tracteur américain Moline qui était alors le seul du département. Il permettait de labourer un hectare en 6 heures contre 6 jours avec les labours traditionnels avec 2 bœufs.

Enjeu majeur de La Grande Guerre, les « patates » furent également au cœur des problématiques du conflit qui débutera 21 ans plus tard.

Prochaines conférences

La prochaine conférence du cycle « Un regard sur l’Histoire Sociale  en Haute-Loire » se tiendra le jeudi 22 février 2024. Elle portera sur « Les usines-couvents et les femmes au travail en Haute-Loire, au XIXe siècle » et sera présentée par Raymond Vacheron.

Prochaine conférence du cycle classique : jeudi 14 décembre à 18h30 au château : « L’expérience d’un baroudeur, Europe, Rwanda, Ethiopie, Amazonie » avec Nicolas Nespoulous.

Tarif : 5€ scolaires et étudiants : gratuits

Renseignements : 04 71 66 54 71 et 06 89 90 10 48 ou universitepourtous.monistrol@orange.fr

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