La préfecture de Haute-Loire vient de se joindre au Cantal et au Puy-de-Dôme pour demander une dérogation afin de mécaniser l'utilisation du phosphure de zinc, sous la marque RatronⓇ GW, un puissant appât qui tue le campagnol, présent en grande quantité dans le Mézenc.
Cet appât prêt à l’emploi est présenté comme une solution très efficace. Après ingestion, le phosphure de zinc se transforme en phosphine (phosphure d’hydrogène) dans l’estomac de l’animal suite à l’action de l’acide gastrique, provoquant la mort de l’animal dans un laps de temps de 1 à 3 heures.
Le rat taupier, ou campagnol terrestre, est un animal très prolifique, un couple pouvant donner naissance jusqu’à 50 petits par an, qui eux-mêmes pourront se reproduire à l’âge de 5 semaines. Dans les cas extrêmes, on peut alors avoir des populations de 1000 individus à l’hectare.
Mécaniser pour dératiser à grande échelle
Pour les agriculteurs, le Ratron GW est une solution. Et ils reçoivent l'appui de la préfecture qui a sollicité le ministère de l'Agriculture afin de pouvoir mécaniser cette méthode. Pour l'instant, le Ratron est utilisé à l'aide d'une canne qui plante le grain profondément dans la terre. A l'aide d'une charrue spéciale, l'idée est de mécaniser la mise sous terre de l'appât. Le Jura est un département où l'expérimentation de cette technique doit être menée.
La préfecture de Haute-Loire, associée au Cantal et Puy-de-Dôme, ne veut pas attendre l'analyse des résultats et a sollicité le ministère de l'Agriculture pour obtenir une dérogation dans les prochaines semaines. "Le but est d'en mettre à grande échelle", indique Agnès Delsol, adjointe à la Direction départementale des territoires (DDT). "Le campagnol fonctionne par cycles. Mais le problème, c'est qu'on reste à des niveaux élevés." Agnès Delsol a tenu a rappelé à la Chambre d'agriculture qu'il s'agit "d'un produit dangereux, et face à la détresse, parfois, on l'oublie".
Des conséquences sur le fourrage et la santé des bovins
Laurine Rousset, présidente des Jeunes Agriculteurs, a insisté sur la situation sur le Mézenc. Elle a aussi parlé d'éleveurs "en détresse". "Allez voir pour prendre conscience de la situation."
Depuis plusieurs années, le campagnol pullule en particulier dans le Mézenc. Des prés entiers sont couleur terre et cette terre peut se retrouver dans les fourrages, mettant à mal les estomacs de certaines bêtes qui peuvent aller jusqu'à mourir.
Les défenseurs des animaux sauvages s'insurgent
Ce sujet des rats taupiers est sujet à polémique. Car l'usage de produits chimiques sur les rats taupiers entraîne des "dégâts collatéraux" pour d'autres espèces, comme le milan royal.
"Il est logique de se poser la question essentielle : comment en est-on arrivé à cette situation ?", demande Serge Morel, délégué départemental ASPAS Haute-Loire (Association pour la protection des Animaux Sauvages). Il évoque plusieurs facteurs essentiels. A commencer par la modification des milieux naturels. "Les agriculteurs ont arraché bosquets, haies et murets, ils suppriment les perchoirs et lieux de nidifications des rapaces et les gîtes des petits carnivores, toutes espèces grandes consommatrices de campagnols…" Il regrette l'utilisation de raticides chimiques qui détruisent les populations de campagnols "mais aussi la plupart des prédateurs naturels".