dimanche, 05 novembre 2023 16:49

Société d’Histoire de la Montagne : 50 ans de passion, de turbulences aussi

|Michel Fabréguet Jacques Julien|| |Michel Fabréguet Jacques Julien|| |||

A la suite du concert du trio Oléa donné cet été au Chambon-sur-Lignon et du cycle de projections consacrées au cinéaste Alain Resnais, la commémoration du cinquantième anniversaire de la Société d’Histoire de la Montagne se poursuit.

Ainsi, la SHM a organisé vendredi 3 novembre dans la mairie du Mazet-Saint-Voy, en présence du maire Alain Debard, une table ronde. Le président Michel Fabréguet revient en quelques lignes sur les 50 ans d'existence de la vénérable société d'histoire, ses hauts et ses bas, et évoque les projets dans les tuyaux.


Petit retour en arrière

La SHM a été créée en 1973 par un groupe d’érudits, parmi lesquels Théodore de Félice et le préhistorien De Bayle des Hermens, soucieux d’approfondir la connaissance de l’histoire de la région d’implantation protestante dans la Haute-Loire orientale et dans la portion contiguë de l’Ardèche, mais aussi très attachés à la laïcité républicaine et à la recherche de la vérité. Au cours des deux premières décennies de son existence, sous l’impulsion de son président Bernard Galland, de Gérard et de Béatrice Bollon, mais également de Marthe et de Léon Chave, la SHM a rassemblé une abondante documentation sur la vie protestante à l’époque moderne et au XIXe siècle. La numérisation des précieuses archives est engagée (lire ici).


Un premier projet de musée

La société travaillait alors en étroite relation avec les institutions académiques de la Haute-Loire, en collaboration avec Auguste Rivet qui était aussi membre de la SHM. Un premier projet de musée sur l’histoire de la vie protestante sur le Plateau Vivarais-Lignon vit alors le jour.

A partir des années 1980, à la suite de l’installation d’une plaque commémorative à l’emplacement de l’ancien foyer de ski de fond au Chambon à l’initiative d’Oscar Rosowski en 1979 puis de la sortie du film documentaire de Pierre Sauvage sur Les armes de l’esprit, l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, de l’accueil des réfugiés, s’imposa comme le nouveau et principal centre d’intérêt de la société.


Un âpre conflit de mémoire

"A la suite des polémiques suscitées entre autres par le documentaire de Sauvage, la SHM organisa en octobre 1990, en collaboration avec la mairie du Chambon et l’Eglise réformée, un colloque qui constitua pour elle un tournant majeur, sur fond d’un âpre conflit de mémoire entre les tenants de la non-violence, incarnée par le pasteur Trocmé, et les tenants de la résistance armée", rappelle Michel Fabréguet.


Une décennie de turbulences

Dans les années 1996 à 2005, la SHM devait traverser une décennie de turbulences. A l’été 1996, la direction de la SHM sous la présidence de Bernard Galland se retira et trois présidents se succédèrent alors : Pierre Brun (1996-1999), Odile Boissonnat (1999-2003) et Jean-Pierre Houssel (2003-2005).

L’exposition itinérante sur la Seconde Guerre mondiale montée par Bernard Galland n’apparaissant désormais plus suffisante au regard de l’importance prise
par le sujet, la SHM se trouva confrontée au projet de musée intercommunal de la résistance civile, inspiré des travaux de Jacques Sémelin et porté par le SIVOM Vivarais-Lignon.


Des oppositions tous azimuts

"Ce projet, qui valorisait la notion de minorité sociologique au détriment de la notion de résistance spirituelle comme facteur essentiel de l’explication de l’accueil des différentes catégories de réfugiés, se heurta alors, à l’intérieur comme à l’extérieur de la société, à de très fortes oppositions qui dénoncèrent en particulier un « projet (d’un coût) pharaonique »".

Dans la perspective de la création d’un musée reposant sur l’existence d’une collection, le fonds d’archives de la SHM constituait un véritable enjeu. Ce projet ne vit finalement pas le jour, à la suite des élections municipales de 2001 qui aboutirent à un changement de majorité au Chambon. La nouvelle équipe se rallia alors à un projet alternatif proposé par Pierre Sauvage, au détriment du projet intercommunal du SIVOM qui fut progressivement enterré.


Vers un retour à la sérénité

A partir de 2005, une nouvelle direction, présidée par Michel Fabréguet assisté entre autres par Jean-Philippe Le Forestier, fils du docteur Le Forestier, de Rachel Reboul, et de l’ancien maire du Chambon Raymond Vincent, œuvra pour un retour à la sérénité.

Sous l’impulsion de la nouvelle équipe, la SHM s’intégra dans un local mis à sa disposition dans la médiathèque du Mazet-Saint-Voy. Elle acquit un nouveau statut en devenant un organisme associé de la Société de l’histoire du protestantisme français. En 2009, elle organisa un cycle de conférences qui firent également l’objet d’une publication à l’occasion du cinq-centième anniversaire de la naissance de Jean-Calvin, et en 2010, s’inspirant à l’initiative de Jean-Philippe Le Forestier du festival du film de la résistance à Nice, elle organisa un festival du film sur le Plateau, à Tence et au Chambon, ouvert aux scolaires.

De nouveaux remous

Mais elle se trouva bientôt exposée à une nouvelle phase de turbulences avec la mise en œuvre du projet de centre muséal au Chambon-sur-Lignon, en partenariat avec la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Elle resta en dehors du projet exclusivement chambonnais de centre muséal qui s’inspirait du projet alternatif qui avait abouti à l’échec du projet intercommunal du SIVOM.


Des troupes et des subventions en berne

"Au cours de la décennie suivante, la SHM s’est heurtée à de nouvelles difficultés, confrontée à la diminution et au vieillissement de ses adhérents et à la diminution drastique des subventions accordées par les pouvoirs publics. Mais elle a pourtant su diversifier et renouveler ses centres d’intérêts, en dehors de la période de la guerre, en organisant en particulier des expositions et des cycles de projections dans la grange de Jacques Julien à l’Aulagnier Petit."


Les projets 2024

La SHM prévoit d’organiser en particulier une conférence à l’été 2024 à l’initiative de Monique Calinon. Anne-Laure Brisac, directrice des éditions Signes et Balises, vient de publier l’ouvrage de Marcel Nadjary (1917-1971) Sonder-kommando Birkenau 1944-Thessalonique 1947. Ce juif grec déporté à Birkenau se croyant condamné a enfoui un manuscrit clandestin dans le sol de Birkenau en 1944 qui a été redécouvert en 1980. L’ouvrage est complété par un second manuscrit rédigé par Nadjary après sa libération en 1947. L’éditrice se propose de venir sur le Plateau pour une présentation de l’ouvrage en compagnie de son père Max Brisac, qui fut enfant caché sur le Plateau dans les années 1940, et du professeur Loïc Marcou qui a assuré la traduction française des textes de Nadjary.

Jacques Julien propose comme thème d’exposition et de projections pour l’été 2024 Dien-Bien-Phu et la Toussaint rouge de 1954.

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