Suite des aventures d'Antoine-Romain Rozwadowski aux championnats d'Europe de natation Master. Et suite du récit par le nageur bassois, licencié aux Marches du Velay Natation.
Après la journée bien remplie du mercredi, avec, au bout du compte, un podium européen à la clef sur 400 nage libre, je m'octroie une journée de repos avant l'eau libre de 3 km le vendredi.
Il ne s'agit pas de s'épuiser à randonner de partout, mais je ne vais pas rester toute la journée dans la bananeraie dans laquelle je loge à regarder... les avocats. Parce que, oui, entre les bananes poussent des avocats.
Je descends donc à pied dans la vieille ville de Funchal. Charmant, des faïences, de petites ruelles, des trottoirs en mosaïque de cailloux... Ces quelques lignes n'ont pas vocation à se substituer à un guide touristique pour autant, revenons à nos moutons, ou plus exactement à nos poissons..
Je déambule en pensant à la course de demain. J' élabore une stratégie machiavélique, que je ne dévoilerai pas, pas même à mes plus fidèles lecteurs...
Sur le bord de mer, je passe devant le musée CR7, à la gloire de Cristal Ronaldo, né sur l'île. Comment ? Que dites-vous ? C'est du foot ? Oui... On s'en fiche un peu ? Pas faux... On n'est pas là pour jouer à la balle et se rouler par terre en se tenant les tibias ? Vous êtes durs... J'exagère un peu, certes. Que les footeux ne m'en veuillent pas. Après... Il y a ceux qui font un vrai sport... Et ceux qui jouent !
Vendredi matin. Il s'agit d'aller se frotter aux éléments, et aux concurrents... Marquage des numéros sur les épaules et les mains, dans le dos, bonnet pour distinguer les dames des messieurs, puce électronique en sous-cutané dans chaque avant-bras... Non, bien sûr, il s'agit de bracelets néoprène à s'enrouler autour des poignets.
La course de lundi a été reportée à ce matin. Les hommes qui font le 1,5 km partiront dans une première vague à 10h, les femmes du 1,5km 2 minutes plus tard, puis les XY du 3km encore 2 minutes après. J' espère que ce ne sera pas trop le bazar...
C'est à notre vague de se placer sur la ligne de départ, entre une bouée et le bateau des juges. Il y a un peu de ressac, je plonge assez loin pour ne pas être ramené et m'échouer contre les rochers avant même de commencer.
L'eau est à 23°C, juste un petit frisson et c'est bon. Je zieute alentour, pas de méduses, mais je ne peux m'empêcher de crier "jelly fish !". Panique générale. "Nan c'était une vanne !". "T'es c** sérieux !". Certes...
Coup de corne de brume. C'est la guerre. Une énorme machine à laver se met en place. De la mousse, des bras qui tournent, et bim, bam, boum, ramasse une calotte derrière la tête, l'autre qui te monte dessus, celui-là qui nage tordu... Je me retrouve le nez dans le fessier du mec de devant... épanouissant comme sport. Les 200 premiers mètres sont... Costauds. "Oh les gars ! On va se calmer, je suis venu nager, pas faire de l'UFC !"
Au bout de quelques minutes le peloton s'étire. Première bouée, épaule gauche, direction le large. Faut pas rater la suivante, sinon c'est direction les Canaries...
Je suis dans des pieds, plutôt bien. En fait, quelques-uns s'echappent. Je ne le vois pas. C'est très dommage, car je pense en avoir sous le capot.
Nous sommes quatre, deux qui nagent de front, et deux qui se planquent, bien à l'abri. J'ai bien entendu choisi la deuxième option...
Lors du deuxième tour, l'océan s'énerve quelque peu. Dans la ligne droite opposée, on se fait secouer comme des fétus de paille. C'est dingue ! Le mec à ma gauche me dégringole dessus, il n' y a pas d'autres mots... Il se retrouve sous mon bide. Et Bim, coup de talon dans le nombril, et vlan, coup de coude dans les lunettes. Et je porte des suédoises, lunettes sans mousse ni caoutchouc de protection. Je sais, c'est idiot. Bon, ben lundi, tu feras cours avec un oeil au beurre noir...
Pas le moment de s'appitoyer pour autant. Le final approche ; ça accélère. À la dernière bouée, nous rattrapons quelqu'un d'attardé. Beauseigne, 4 mecs énervés qui se battent pour le podium, cette pauvre personne a dû se demander ce qu'il lui arrivait... Pas de quartier...
Les jambes à bloc, je prends les commandes. Il faut passer dans un goulot avant d'aller taper la plaque. Le type me serre pour que je rate la bouée. "Mon gars, je te passe dessus s'il le faut, mais tu m'auras pas !"
Un dernier effort... 3ème ! Deuxième breloque continentale... cool ! Même si en étant plus attentif, je pense que la deuxième place était jouable. J' ai pris beaucoup de plaisir, si, si ! L'eau libre, c'est top ! Plus qu'à aller se badigeonner l'arcade de vaseline, comme un boxeur, pour stopper le léger saignement. Et comme disait Rocky : "J'ai pas mal !"