Pris à la gorge par les suppressions de postes annoncées, par les suppressions de classes annoncées, par les services partagés annoncés, par les classes à 28, 29 voire 30 parce que « ce sont les seuils », par la mise en place du fameux « choc des savoirs » sans moyens suffisants, l’équipe éducative du collège public des Gorges de la Loire et celle du collège du Monteil refusent cette fatalité : « Enseigner oui, en saigner non »… Elles mettent leurs paroles en actes.
Après avoir participé au rassemblement devant la préfecture du Puy-en-Velay ce samedi 25 mai, après avoir rencontré aux côtés des parents d’élèves Mme Valentin, députée, vendredi 24 mai, après avoir rencontré aux côtés des parents l’inspecteur académique mardi 21 mai, après avoir soutenu l’action « collège mort » des parents d’élèves les 6 et 7 mai, après s’être mis en grève lundi 29 avril, l’équipe pédagogique du collège des Gorges de la Loire à Aurec a décidé d’en finir avec les mots et d’ « en saigner » au sens propre des termes. Et l’équipe du Monteil leur a emboîté le pas.
« Les mots, c’est pour nos gouvernants, nous, nous sommes sur le terrain et nous refusons d’enseigner en saignant. »
Ils se rendent à une collecte de sang
Qu’à cela ne tienne, ce lundi 27 mai, l’établissement français du sang organisait une collecte de sang à Monistrol-sur-Loire et, quitte à en saigner, les enseignants du collège public des Gorges de la Loire s’y sont rendus.
Las des promesses de « vigilance » faites par l’inspection académique, las des promesses faites par le rectorat de prendre en compte la singularité de leur établissement (l’un des plus éloignés du coeur de l’académie situé à Clermont-Ferrand), las d’être considérés comme la dernière roue du carrosse quand il s’agit de remplacer leurs collègues absents et d’être les premières victimes des suppressions de postes, las, les enseignants, AESH, AED et parents d’élèves du collège public des Gorges de la Loire ont décidé d’aller donner leur sang ce lundi 27 mai à Monistrol-sur-Loire. Les y ont rejoints des parents d’élèves et AESH du collège du Monteil confrontés aux mêmes problématiques que leurs pairs d’Aurec-sur-Loire, tout aussi exaspérés qu’eux.
« On est les oubliés, la campagne, les paumés, Les trop loin de Paris, Le cadet de leurs soucis »
C’est ce refrain de la chanson de Gauvain Sers qui leur vient à l’esprit quand ils constatent comment le rectorat semble les « dé » considérer.
Retour dans le passé, 31 août 2023 : M. Attal, alors ministre de l’Éducation Nationale, promet : « Oui, il y aura un enseignant devant chaque élève ! » mais pas au collège du Monteil de Monistrol-sur-Loire, mais pas au collège Boris-Vian de Retournac, mais pas au collège des Gorges de la Loire d’Aurec-sur-Loire ; les parents d’élèves du collège public des Gorges de la Loire sont mobilisés depuis plusieurs semaines pour dénoncer le fait que leurs enfants n’ont pas eu un seul cours d’éducation musicale depuis octobre, que l’enseignant de technologie absent bien malgré lui depuis novembre n’a été remplacé que de façon sporadique et ne l’est plus depuis le mois de mars alors que la technologie « tombe » au brevet et même que le brevet blanc de leur enfant en la matière n’a pas été corrigé ; qu’une accompagnante d’élèves en situation de handicap absente depuis décembre bien malgré elle n’est remplacée qu’à 50%, et c’est sans parler d’un professeur de français non remplacé par un professeur de français de décembre à mars…
Et les parents de souligner que pourtant, dans une lettre qui leur a été envoyée par le recteur au printemps 2023, ce dernier s’engageait à prendre en considération la singularité géographique, l’éloignement du collège où étudient leurs enfants.
Le collège des Gorges de la Loire… pris à la gorge
Devant la salle de la Capitelle, avant d’aller donner leur sang, les enseignants sont inquiets : « L’an prochain, on supprime plus de trente heures postes au collège public des Gorges de la Loire si bien que nous ne serons plus que dix enseignants à enseigner, ou plutôt à « en saigner » à temps plein quand tous nos collègues iront enseigner, ou plutôt « en saigner » dans deux voire trois établissements et ne pourront de fait plus s’investir au collège comme ils le faisaient jusqu’alors ; l’an prochain on nous demande de mettre en place une réforme dite du « choc des savoirs » avec des groupes de niveaux/besoins, et pour cela, on ne le dit pas assez, le gouvernement a décidé de supprimer une heure de cours à tous les futurs élèves de 6ème ; et pour cela, on ne le dit pas assez, contrairement à ce qui est dit dans les médias depuis décembre 2023, il n’y aura pas de groupes allégés à moins de quinze élèves pour aider les élèves en difficulté : pour preuve, notre établissement ne s’est vu attribuer que sept heures pour mettre en place ces groupes quand il en faudrait dix-sept pour mettre en oeuvre cette réforme de façon honnête et responsable et créer un groupe supplémentaire en français et en mathématiques ; en fait, on nous demande d’appliquer une réforme sans nous en donner les moyens ! ».
Et de rajouter : « On veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes : comme toujours, il y a les beaux discours venus d’en haut et la réalité de leur application sur le terrain. »
Et maintenant ?
Toutes les démarches des parents et des membres de l’équipe pédagogique du collège des Gorges de la Loire et celles du collège du Monteil sont restées vaines. « On ne sait plus à qui s’adresser, s’agace un enseignant, aucun interlocuteur ne s’est senti assez concerné pour nous apporter une réponse viable : l’inspecteur d’académie ne nous promet que sa « vigilance » ; quant au président de Région, quant à la ministre de l’Éducation Nationale, quant au Premier ministre auxquels les parents ont écrit, aucun ne leur a répondu. À dix jours des élections européennes, qu’on fasse si peu de cas de nos enfants ne peut que nous interpeller et nous inquiéter. Alors que l’Éducation Nationale est mise en avant comme la priorité du gouvernement dans les discours, sur le terrain il n'en est rien. »
Aussi, enseignants, AESH, AED et parents d’élèves du collège public des Gorges de la Loire et du collège du Monteil espèrent que leur démarche « enseigner oui, en saigner non » poussera les plus hautes instances à faire plus grand cas du service public d’éducation, à reconsidérer, en leur faveur, l’octroi des heures à leur collège pour permettre aux élèves aurécois, pontois, malveletoux et monistroliens de bénéficier de conditions d’étude dignes, si ce n’est optimales. Ils invitent élus et habitants du territoire à se mobiliser à leurs côtés, à faire entendre leur voix sur le terrain et dans les urnes, et bien sûr à s’allier à eux et à « en saigner » avec eux en allant donner leur sang lors des prochaines collectes organisées par l’ESF, notamment ce vendredi 31 mai à Saint-Just-Malmont.