samedi, 27 janvier 2024 08:34

Aurec-sur-Loire : les 4e du collège des Gorges de la Loire écrivent et slament leur révolte

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Vendredi, plus de 130 personnes s’étaient donné rendez-vous dans la salle de spectacle du collège public des Gorges de la Loire pour assister à une scène slam sur le thème de l’engagement… durant laquelle les élèves de 4ème ont porté leur voix.

Pendant cinq jours, le collège public des Gorges de la Loire avait invité l’artiste Govrache à faire écrire les élèves de 4ème. Ce dernier, prix Georges Moustaki en 2014, première partie de Grand Corps Malade, Gaël Faye, Gauvain Sers et plus récemment Renaud, auteur du double album Des murmures et des cris récompensé par le Grand Prix de l’Académie Charles Cros en 2019 et en pleine tournée de son dernier album Apagogie – tout un programme – avait déjà animé un atelier d’écriture en 2021, à une époque où les masques couvraient encore les visage. Mais cette année, bas les masques, et c’est un thème voué à faire s’exprimer les élèves qui avait été choisi par leur professeur de français : « qu’est-ce qui vous révolte, vous, à 13-14 ans ? ».

Travailler le sens, travailler les sons

Après un travail mené pendant plusieurs semaines sur l’essence même du slam entre « murmures » et « cris », sur les « 3R » nécessaires pour qu’un slam claque, après l’étude de textes de l’artiste du « Bout de la table » aux « Pigeons » en passant par « On a compris », « L’homme-trottoir », ou encore « Saigneur en paillettes » avec une attention portée au sens, au rythme et aux allitérations, il était temps que les élèves se lancent dans l’écriture. Les sujets de révolte n’ont pas manqué : femmes battues, femmes violées, sexisme dans le sport, sexisme dans la rue, homophobie, racisme, harcèlement, pollution, guerre, conflit à Gaza, inflation, sans oublier la confrontation à la disparition, à la mort, à la maladie, à la dyslexie, à la dépression, au divorce, à la solitude, mais aussi la timidité, la paternité précoce, l’expression artistique, l’auteur autiste, le ras-le-bol de l’école, et même la violence du réveil-matin et la lenteur des tracteurs sur les routes de campagne…

Du thème le plus rugueux au plus singulier, les élèves ont puisé dans leur vécu, dans l’actualité, dans les images qui les marquent, dans les discours qui les frappent… Et une fois le « R »écit trouvé, Govrache leur a donné quelques pistes pour exploiter les ressources expressives de la parole, pour trouver les « R »imes et les « R »ythmes nécessaires pour mettre en mots, en voix et en boîte cette société dans laquelle ils grandissent.

Une soirée de restitution et d’émotions

Il ne restait plus qu’à proposer une restitution partagée de ces créations artistiques. Et nul doute que la journée du vendredi 19 janvier restera une expérience gravée longtemps dans l’esprits de nos graines de slameurs. Après une mise en bouche devant leurs camarades le vendredi après-midi, c’est devant leurs grands-parents, parents, frères, sœurs, amis et membres de l’équipe éducative que les élèves ont slamé leur texte. Le public était venu nombreux, la salle était comble… et n’a pas tari d’éloges ni d’applaudissements, voire de larmes parfois, devant le spectacle offert par ces adolescents qui, il faut l’avouer, ont des choses à dire, ont des choses à nous dire. La soirée s’est achevée avec la générosité de l’artiste qui a accompagné les élèves toute la semaine et qui, avant de reprendre la route, a généreusement offert aux élèves et à leur famille un tour de chant sensible… et engagé.

Morceaux choisis de slams créés par les élèves

« De ses larmes j’me lasse / Je t’aime de ouf / J’veux que tu m’enlasses / J’veux plus que tu m’étouffes »

« Par l'entrebâillement d'la porte / J'aperçois ma mère qui parle aux soldats / Ils la font danser, tourner, crier, pleurer. / Je ne sais pas si elle est d'accord avec ça. / Elle danse la salsa ou elle se débat ? / Il fait beau, il fait chaud, c'est l'été à Gaza. / Sur le corps, elle a des taches bleuets, / De la tête aux mollets. »

« Il l’avait bien mérité, le coup est parti / Aujourd’hui je croupis en prison / J’suis ici depuis 15 ans, c’est injuste / J’me suis fait frapper 15 ans de ma vie/ C’est étrange mais j’préfère être en taule / Qu’avec lui »

« L’eau les pâtes le pain les produits de première nécessité / J’suis dépité de ne pas pouvoir les acheter / Refus d’paiement j’peux plus payer / J’suis dans la merde y a les huissiers / Qui viennent me débiter »

« Ça a commencé comme ça, comme un rien / Une simple naissance, rien d’plus banal / Un réjouissement, quand tout allait bien / Jusqu’à ce qu’ils leur disent, il n’est pas normal »

« Le respect disparaît quand on d’vient féminine »

« A cause de vous la mer monte / A cause de vous la terre gronde / A cause de vous la chaleur monte / A cause de vous les glacier fondent / Arrêtez les Hommes de faire semblant / Arrêtez de créer des continents / En plastique évidemment / S’arrêt’ront-ils un JOUR / S’arrêt’ront-ils un JOUR »

« Il faut ouvrir les yeux et r’garder la réalité en face. / Pourquoi tant de sang, pourquoi tant d’violence ? / Des enfants blessés, sang plein la figure. / Bâtiment détruits, maisons pleines d’fissures. / ON DÉPLORE LES MORTS ET TOUT’L’MONDE ATTEND SON HEURE. / Les bombes pleuvent et les toits plient / Les mères hurlent de douleur d’vant les corps sans couleurs / De leurs enfants sans vie. / Dans c’chaos sans fin, seule règne la peur. / ON DÉPLORE LES MORTS ET TOUT’L’MONDE ATTEND SON HEURE. »

« Tes propos misogyne sont hors-jeu / Ton attitude mérite carton rouge »

« Pourquoi se lever aussi tôt, pour des matières qu’on n’aim’pas […] / La vraie vie c’est ça / C’est sortir avec des potes / C’est jouer à la console / Ne pas faire ses devoirs / N’pas penser à l’école. / La vraie vie c’est d’profiter avec ses parents / Aller à la pêche pendant les vacances / Aller au bowling ou voir des matchs / La vraie vie c’est ça / Et je n’ai pas besoin de l’école pour aimer tout ça »

« Noirs, blancs, mats, nous sommes tous pareils ! / Humains de peau, / Peau sèche peau grasse / Teint frais lumineux vermeil / Nez convexe épaté retroussé / Nous sommes tous égaux ; / Humains de peau. / Pourquoi juger cette différence ? / Alors que tout le monde la connaît / La devise de la France »

« Ma maison est délabrée / J’ai des fenêtres cassées, des jeans troués / Mais dans ce bas monde quand t’as pas d’tunes / Pour t’endormir tu r’gardes la lune »

« Salut, j’réponds à ta lettre, mais j’te l’écris pas seulement à toi / Mais aussi à tous les connards qui ont pu faire ça ! / Alors non tes excuses à la noix, j’les accepte pas. / Dire qu’t’essayes d’passer pour une victime. / Non mais c’est pas possible ! / N’oublie jamais que c’que t’as fait c’est inadmissible. »

« Je regarde cette porte / Celle par laquelle je l’ai laissé passer / Je n’arrête pas d’y penser, / Alors maintenant je vais / Me relever, avancer, travailler / Mais je ne vais pas l’oublier ; / « Ô toi mon enfant / Tu me manques tellement / Tu resteras à tout jamais dans mon cœur / Comme celui de tes frères et sœurs !! »

« Je trace jusqu’à la classe, trop tard ils m’ont vu. / Ils sont là mon cœur bat à mille à l’heure . / Ils m’attrapent, me frappent, me poussent, je tombe. / J’baisse les yeux, j’me cache, je pleurs. »

« Aucune femme n’devrait subir ça ! / Dans une rue un peu sombre, il m’attend / J’passe devant lui, il m’observe, m’siffle / J‘le vois, j’l’entends. […] Aucune femme n’devrait subir ça / Dans une rue un peu sombre, il m’attendait / Pour lui, quelques secondes / Pour moi, un traumatisme pour l’éternité. »

« Tu m’as dit j'vais abandonner / J't’ai répondu «Ne jamais rien lâcher toujours persévérer». »

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