vendredi, 18 février 2022 09:40

Deux pasteures du Haut-Lignon signent une tribune appelant à "la vigilance critique"

Esther Wieland-Maret|| Esther Wieland-Maret|| ||

Sous le titre "appel à la vigilance critique", des personnes engagées dans l'Eglise protestante unie de France, dont la pasteure du Chambon-sur-Lignon Esther Wieland-Maret et celle du Mazet-Saint-Voy Monique Orieux, s'inquiètent des reculs de l'Etat de droit. Elles invitent à "une vigilance critique à l’endroit du politique et à une sollicitude concrète à l’égard de notre prochain".

Voici le texte in extenso de cette tribune puissante faisant écho à l'actualité. Bien en phase avec la tradition protestante de vigilance face aux atteintes aux libertés, de résistance à l'arbitraire, de solidarité envers les exclus, on imagine que sur le territoire du Plateau Vivarais-Lignon notamment, ce texte trouvera une caisse de résonance naturelle.


L'appel de l’Évangile à la liberté

"Nous sommes des pasteurs, des théologiens et des membres engagés dans l’Église protestante unie de France (ÉPUdF) et dans l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (UÉPAL). Nous répondons à l’appel de l’Évangile à la liberté, à la responsabilité, à la sollicitude et à la solidarité envers les exclus, à la résistance face à l’arbitraire et aux injustices. Nous sommes foncièrement attachés aux valeurs d’une démocratie véritable : dignité de chaque personne, pluralité des opinions, équité, non-discrimination. Particulièrement inquiets devant les reculs de l’État de droit, des libertés et de l’égalité, et interpellés par notre propre docilité, nous appelons nos concitoyens à la vigilance critique."


Notre constat et notre analyse

"L’évolution de la crise sanitaire a montré avec quelle facilité l’État de droit pouvait dériver vers un État autoritaire. Comme toute crise, elle révèle les tendances lourdes de notre société, ainsi que les contradictions qui la traversent. L’idéologie technicienne dicte sa loi : tout ce que l’on peut techniquement réaliser doit l’être aveuglément, sans discernement. Les peurs sont largement utilisées pour manipuler les consciences. Au nom d’une sacro-sainte sécurité sanitaire, l’État empiète peu à peu sur la sphère de la vie privée des citoyens : liberté de mouvement, activités culturelles, vie relationnelle, santé… Les mesures prises sont à l’évidence disproportionnées eu égard aux enjeux de santé publique, et elles se traduisent par des pratiques discriminatoires. Elles s’accompagnent de paroles clivantes : accuser, par exemple, les seules personnes non-vaccinées d’engorger les hôpitaux, c’est oublier que les gouvernements qui se sont succédé n’ont cessé de réduire les capacités hospitalières. Par ailleurs, toute voix dissonante est disqualifiée, amalgamée avec celles d’idéologies délétères. Leurs auteurs sont stigmatisés. Et pour notre part, nous reconnaissons humblement notre tendance à nous soumettre et à nous taire. Il est grand temps désormais de prendre la parole."


Notre indignation

"La ligne rouge a été doublement franchie, le 5 janvier, avec les propos inacceptables du chef de l’État affirmant « avoir très envie d’emmerder les non-vaccinés », et le 22 janvier, avec la loi transformant le passe sanitaire en passe vaccinal. Depuis, la population française est divisée en deux classes de citoyens : les personnes vaccinées qui peuvent bénéficier d’une vie sociale presque normale, et les personnes non-vaccinées qui se trouvent exclues des trains, des restaurants, des cinémas, des manifestations sportives... Certaines ont perdu leur emploi. Alors même que nous savons maintenant que les vaccinés sont souvent porteurs et transmetteurs du virus (le passe étant aussi synonyme d’un laisser-aller de nos gestes). Cette discrimination entre vaccinés et non-vaccinés produit nombre d’effets pervers, en instituant un contrôle permanent des uns envers les autres, en contraignant de simples citoyens à se transformer en policiers, en flattant les tendances au pouvoir sur autrui et à la délation, en faisant du passe vaccinal un outil d’oppression supplémentaire envers les migrants. Dans les discours officiels, dans les médias, comme au sein des familles, ressurgit la logique du bouc émissaire. Ce qui fait lien entre nous est mis à mal, les clivages et les divisions grandissent, les discriminations se banalisent et se concrétisent même dans les discours les plus officiels. Cette situation n’est pas tolérable. Elle doit être dénoncée."


Nos convictions et notre engagement

"Au nom de l’Évangile, nous croyons que toute personne a le droit d’être respectée, écoutée, accueillie et reconnue dans son humanité.

Nous proclamons donc notre volonté de donner priorité à l’accueil de tout un chacun : quels que soient ses opinions ou son statut vaccinal.

En 2018, l’Église protestante unie de France avait affiché son soutien aux exilés par la campagne : « Exilés, l’accueil d’abord ! » ; dans cette même ligne, nous nous opposons à toute forme d’exclusion, et manifestons notre sollicitude et notre solidarité envers les personnes discriminées (dont font partie les migrants).

Nous sommes appelés à construire des liens de compréhension au sein de la société et de nos Églises, par la promotion d’une culture de la confiance et de la bienveillance mutuelle, et aujourd’hui particulièrement envers les personnes non-vaccinées.

Nous nous engageons à encourager, notamment dans les Églises, des espaces inclusifs de parole, d’écoute, de rencontre et de dialogue ouverts à tous, vaccinés et non-vaccinés.

Nous sommes résolus à demeurer vigilants face aux politiques publiques et aux conduites citoyennes, au-delà de cette crise sanitaire, et notamment face aux conséquences possibles en termes de recul des libertés.

Notre appel à une vigilance critique à l’endroit du politique se veut sollicitude concrète à l’égard de notre prochain.

En paroles et en actes, nous voulons témoigner d’une autre espérance."

Les signataires

Jacqueline Assaël, Hubert Auque, Annick Blanc, René Blanc, Alexandra Breukink, Joël Dahan, Aurélie Derupt, François Dietz, Anne Epting, Anne-Marie Feillens, Gilles Galiano, Dominique Gerstlé, Denis Heller, Christiane Hervaud, Thierry Husser, Christophe Jacon, Marc Labarthe, Pascal Lefebvre, Florence Leroy, Hans Lung, Isabelle Montet, Bernard Mourou, Monique Orieux, Yves Parrend, Olivier Pigeaud, Jean Pollet, Daniel Priss, Yves Quétin, Christine Quintana-Roure, Lala Hanitra Ranaivosoa, Hanitra Ratsimanampoka, Jan Albert Roetman, Frédéric Rognon, Marianne Seckel, Pierre-André Schaechtelin, Christian Spindler, Jane Stranz, Helena Vicario, Caspar Visser’t Hooft, Gundula Walter, Esther Wieland-Maret, Basile Zouma

Dernière modification le samedi, 19 février 2022 13:48

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