samedi, 30 janvier 2021 15:43

Chambon-sur-Lignon : la mairie retrace le parcours d'Erich Schwam, le généreux donateur

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Alors que nous révélions l'existence d'un legs à la commune du Chambon-sur-Lignon de 2 millions d'euros de la part d'Erich Schwan, un enfant juif caché avec sa famille sur le Plateau Vivarais-Lignon pendant la Seconde Guerre mondiale, la commune tente de remonter le parcours de son généreux bienfaiteur.

Dans son testament rédigé le 9 novembre 2020, Erich Arthur Schwam, décédé le 25 décembre, a désigné pour légataire universelle la commune du Chambon-sur-Lignon « en remerciement de l’accueil qui m’a été réservé par les nombreux habitants dans le domaine éducatif ».

Trois associations aidées

Il a fait également trois dons substantiels à la Fondation APICIL, à l’association « A chacun son Everest » et à la Société Protectrice des Animaux du Rhône.

Une délibération du prochain conseil municipal du Chambon en février actera officiellement cette décision d'accepter ce legs qui reste encore à chiffrer avec exactitude alors que la première estimation donnée était de 2 millions d'euros.

Des précédents pour le Chambon

Ce n’est pas la première fois que la commune du Chambon-sur-Lignon est destinataire de dons. En 1983, elle a reçu le Joseph Prize décerné par une association américaine et doté de 10 000 dollars US (21 500 € actuels) qui auraient dû alors servir à la construction d’un musée. Plus récemment, de généreux mécènes, dans le cadre de l’Association pour la mémoire des enfants cachés et des Justes, ont participé au financement du Lieu de mémoire ouvert en 2013.

Un legs pour la jeunesse

Selon la volonté exprimée dans son testament par Erich Schwam, son legs « pourra être affecté en priorité aux dépenses de la commune dans les domaines suivants : école, activités scolaires et de loisirs pour les enfants, attribution de bourses pour l’enseignement supérieur ».

Il va permettre de faire avancer plus rapidement les projets que l’équipe municipale en place depuis juillet dernier a justement l’intention de réaliser dans ces domaines, comme l'école maternelle et la crèche.

Que savons-nous d’Erich Schwam ?

Grâce aux rares documents officiels qu’il a laissés et aux premières recherches de Gérard Bollon, spécialiste de l’histoire du Plateau, la mairie dispose de quelques pièces d’un puzzle qui constituerait l’histoire de sa vie.

Il est né à Vienne en Autriche le 21 octobre 1930. Son père Oskar, médecin, est âgé de 33 ans et sa mère Malcie, originaire de Galicie a 28 ans. En 1941, Oskar Schwam obtient de la police du Troisième Reich (l’Autriche a été annexée par l’Allemagne nazie en 1938) l’autorisation d’émigrer. La grand-mère maternelle est aussi du voyage.

Un passage par le camp de Rivesaltes

On retrouve la trace de la famille au camp de Rivesaltes en 1942 où sont internés de nombreux juifs étrangers. Oskar est médecin à la maternité d’Elne, annexe du camp gérée par le Secours Suisse tandis que Malcie aide à créer une bibliothèque dans ce camp où les conditions de vie, ou plutôt de survie, sont très dures. "Ces informations, nous les avons grâce au journal de Friedel Reiter, une jeune assistante sociale suisse qui s’est fait interner volontairement pour venir en aide aux réfugiés."

Arrivée au Chambon en février 1943

A la fermeture du camp fin 1942, c’est probablement elle encore qui oriente la famille Schwam vers le Chambon-sur-Lignon où elle serait arrivée en février 1943.

Le jeune Erich, alors âgé d’à peine 12 ans, est pris en charge par le Secours Suisse à Faïdoli, la grande pension d’enfants où sa mère travaillerait également. Quant à Oskar, se sentant menacé, il aurait momentanément quitté le Chambon en compagnie de quelques jeunes gens de la Maison des Roches.

Elève au Cévenol

Tous ont survécu à la guerre. Erich, élève à l’Ecole Nouvelle Cévenole, est resté au Chambon où il passe son bac en 1949. En 1947, sur son passeport autrichien, il déclare comme domicile La Bourghea, Haute-Loire (La Bourghea est un hameau du Chambon-sur-Lignon, à la sortie du bourg en direction du Mazet-Saint-Voy). Il semblerait que ses parents, ou tout au moins son père, soient retournés en Autriche à la fin de la guerre.

Naturalisé Français en 1956

Erich, lui, a choisi de rester en France. Il s’inscrit en 1950 à l’université de Lyon en pharmacie et obtient son diplôme en 1957.

L’année précédente, il a épousé une jeune lyonnaise, Colette Ponthus et obtenu la nationalité française. Ce qui lui vaut de faire son service militaire en Algérie. Il entame ensuite une carrière de pharmacien travaillant dans de grands laboratoires industriels lyonnais. A la fin des années 50, il aurait séjourné, pour raisons professionnelles à Essen en Allemagne avant de s’installer définitivement dans la région lyonnaise.

Un parcours à retracer

"Est-il revenu régulièrement au Chambon ? Nous ne le savons pas. Y a-t-il au Chambon et sur le Plateau des personnes qui l’auraient côtoyé au Collège Cévenol ou auraient entendu parler de cette famille autrichienne ?", demande Jean-Michel Eyraud, le maire. La période de novembre 1942 à février 1943 est encore vide d'informations.

La mairie est à la recherche de toute information qui permettrait d’en savoir davantage sur l’histoire de ce petit garçon juif viennois qui, persécuté par les Nazis et menacé par la politique de collaboration du régime de Vichy, a échappé à la déportation et à la mort en trouvant refuge auprès de la population chambonnaise et lui a exprimé sa gratitude 75 ans plus tard.

Un autre témoignage à Saint-Jeures

Guy Lafaurie, du Chambon, nous fait part de l'histoire de sa famille du côté de "Pouzols" à Saint-Jeures. "Mon grand oncle et ma grande tante, Hippolyte et Fanny (née Menut) Exbrayat, ont caché un docteur autrichien Schwam avec ses enfants dans leur ferme de "Pouzols". Il a aussi caché des familles juives du nom de Stok et Playere. Ma grand-mère Anaïs Guilhot des "Moulins" a confectionné des habits pour ces enfants juifs avec sa fille Juliette Guilhot (Mme Lafaurie). Mon grand-oncle était en relation avec le pasteur André Gall de Florac." Guy Lafaurie ajoute : "A Freycenet de Saint-Jeures, la famille Dolmazon (le menuisier), leur père, a aussi accueilli un certain temps la famille Schwam."

Passeport de M

Passeport de M2

Dernière modification le samedi, 30 janvier 2021 16:40

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