samedi, 01 juillet 2023 08:34

Une première étude est sans appel : la Loire est polluée en microplastiques dès ses sources

Crédit Quentin Hulo - Zeppelin|Crédit Quentin Hulo - Zeppelin|Crédit Quentin Hulo - Zeppelin||| Crédit Quentin Hulo - Zeppelin|Crédit Quentin Hulo - Zeppelin|Crédit Quentin Hulo - Zeppelin||| |||||

Deux biologistes ont parcouru les 1000 km de la Loire, de ses sources jusqu'à l'estuaire en 2022. Ils dévoilent les premiers résultats de leur étude scientifique qui révèle que le fleuve est pollué dès ses sources.

Projet de recherche-action-création, Loire Sentinelle vise à dresser une cartographie inédite de la biodiversité et de la plasticodiversité au niveau du fleuve et de son bassin versant. Au travers de cette enquête au long cours, qui se déploie au fil des saisons et dans différents territoires ligériens, Loire Sentinelle cherche à répondre à un double enjeu : prendre la mesure de l’état de santé de la Loire ; comprendre les mesures pour soigner notre relation au fleuve.

Le projet Loire Sentinelle est porté par Barbara Réthoré et Julien Chapuis (Natexplorers), biologistes, médiateurs scientifiques et chargés d’enseignement universitaire basés en Anjou. De mai à juillet 2022, ils ont descendu le cours intégral de la Loire, à pied et en canoë, pour mener la première étude européenne de l’ADN environnemental et de la contamination en microplastiques à l’échelle d’un fleuve.

À ce projet s’associe un consortium d’acteurs composé de laboratoires de recherche, d’associations et d’un collectif formé d’une dizaine d’artistes et auteur·es engagé dans un processus de résidences arts-sciences.

Leurs premiers résultats sont sans appel : la Loire est polluée en microplastiques dès ses sources.

Ces résultats ont été révélés par les auteurs de l'étude, en avant-première pour la Haute-Loire, au côté de SOS Loire vivante.

Rendre visible cette pollution invisible

Si la présence de plastiques en mer est une préoccupation mondiale, très peu d’attention est portée à la contamination plastique des eaux continentales, notamment des fleuves – pourtant principaux pourvoyeurs de débris plastiques vers l’océan. Face à ce constat, le projet Loire Sentinelle s’associe aux laboratoires Biosse et Lee pour étudier la face invisible et inconnue de cette pollution en Loire : celle des microplastiques (particules plastiques dont la taille est inférieure à 5 mm), prélevés en 20 points des sources à l’estuaire, dans l’eau et le sédiment, comme autant de "pièces à conviction" pour comprendre les causes et mesurer les conséquences de cette pollution insidieuse et encore trop peu étudiée.

Aux sources de la pollution plastique

Jusqu’en 2022, très peu d’études ont été menées sur l’état de contamination de la Loire en microplastiques (MP), et ce, essentiellement à l’estuaire. Mais qu’en est-il sur l’ensemble du continuum fluvial, et plus de 900 km en amont ? C’est cette question qui anime le programme « Plasticodiversité » du projet Loire Sentinelle.

ZOOM SUR LE HAUT BASSIN DE LA LOIRE

Les deux biologistes ont décidé ici d’élargir le périmètre du haut bassin de la Loire pour inclure les agglomérations de Saint-Étienne et de Roanne, représenter les 3 départements de l’Ardèche, de la Haute-Loire et de la Loire et considérer la succession des 3 principaux obstacles au cours du fleuve que sont les barrages de La Palisse, Grangent et Villerest.

Sur ce périmètre, des prélèvements d’eau et de sédiment ont été effectués sur 7 sites d’échantillonnage, des sources de la Loire (mont Gerbier-de-Jonc) jusqu’en aval de Roanne (Pouilly-sous-Charlieu) – soit un tiers du continuum fluvial.

Les microplastiques sont-ils présents dans le haut bassin de la Loire ?

Les analyses en laboratoire révèlent une présence systématique de microplastiques sur l’ensemble des sites échantillonnés, et ce, dès les sources de la Loire. Ces résultats viennent appuyer plusieurs hypothèses formulées ailleurs : une fragmentation des débris plastiques bien plus en amont qu’on ne le pensait ; l’intégration des microplastiques au cycle de l’eau ; leur transport par les vents, les pluies, les eaux usées et de ruissellement.


Où se trouvent-ils ?

Les deux compartiments étudiés – eau et sédiment – sont contaminés, aucun des sites d’échantillonnage n’en est exempt. Ces résultats mettent en évidence une contamination généralisée de la Loire, pouvant avoir des incidences sur la santé des milieux, de la flore et de la faune et in fine de la santé humaine.


En quelles concentrations ?

La concentration moyenne de microplastiques dans le haut bassin de la Loire est du même ordre de grandeur que sur l’ensemble du continuum fluvial (dans l'eau : 0,08 MP/m3 sur cette zone contre 0,15 MP/m3 sur l'ensemble du fleuve ; dans les sédiments : 1170 MP/kg sur cette zone contre 1375 MP/kg sur tout le fleuve).


Sous quelles formes ?

L’observation par microscopie révèle une prédominance de fibres dans nos échantillons : de l’ordre de 89 % (contre 11 % de fragments) dans le sédiment, et 85 % (contre 15 % de fragments) dans l’eau. Ces proportions (fibres/fragments) pour le haut bassin de la Loire sont similaires à celles retrouvées tout au long du continuum ligérien.

Cette omniprésence de filaments dans l’eau et le sédiment suggère une pollution de la Loire en microfibres textiles. Ces dernières sont principalement libérées lors du lavage de nos vêtements synthétiques (60 % de la consommation textile mondiale) avant d’être déversées dans nos eaux usées et les milieux aquatiques.


De quelle nature ?

La détection par spectrographie infrarouge a montré la présence de deux principaux polymères dans le haut bassin de la Loire : le polyéthylène (PE = 64 %) et le polypropylène (PP = 29 %), dans des proportions similaires à celles retrouvées sur l’entièreté du fleuve.

De manière non-exhaustive, le PE est utilisé dans la fabrication de bouteilles, sacs et films alimentaires, contenants pour produits ménagers, sacs poubelles ; le PP dans celle d’emballages et contenants alimentaires, pièces informatiques et automobiles, jouets.


Quelle est la situation au Puy-en-Velay ?

L’agglomération du Puy-en-Velay est marquée par une hausse de la concentration en microplastiques d’un facteur x8 pour l’eau et x6 pour le sédiment entre l’amont et l’aval (eau : 0,03 MP/m3 → 0,20 MP/m3 ; sédiment : 547 MP/kg → 3061 MP/kg), et par une diversification des types entre l’amont et l’aval (2 types → 6 types).

"Cette étude permet d'avoir un socle de connaissances. Mais on ne pourra plus dire qu'on ne savait pas", résume Julien Chapuis. D'autres échantillonnages et analyses sont prévus pour consolider les données.

Dernière modification le samedi, 01 juillet 2023 08:56

Partager sur :