mardi, 18 mai 2021 10:26

Incendie de la préfecture, Laurent Wauquiez : les quatre vérités de l'ancien préfet Rousset

Yves Rousset, entouré du procureur de la République et du patron des gendarmes six jours après l'incendie de décembre 2018.|L'incendie du 1er décembre 2018|Yves Rousset lors de la visite d'Emmanuel Macron quelques jours après l'incendie|| Yves Rousset, entouré du procureur de la République et du patron des gendarmes six jours après l'incendie de décembre 2018.|L'incendie du 1er décembre 2018|Yves Rousset lors de la visite d'Emmanuel Macron quelques jours après l'incendie|| ||||

Yves Rousset était le préfet de Haute-Loire lors du mouvement des Gilets jaunes en 2018-2019. L'ancien haut-fonctionnaire raconte la vie d'un préfet et charge Laurent Wauquiez à propos de l'incendie de la préfecture le 1er décembre 2018, estimant qu'il a une part de responsabilité dans le déferlement de haine.

"La Préfecture est en feu". Tel est le titre du livre qui vient de sortir, signé Yves Rousset et édité par Abatos de Saint-Etienne. Yves Rousset est l'ancien préfet de Haute-Loire, passé par Le Puy-en-Velay de septembre 2016 à mars 2019.

Dans cet ouvrage riche d'anecdotes et solidement documenté de 300 pages, il apporte un éclairage sur l'incendie qui a détruit une partie de la préfecture. Il raconte le quotidien d'un préfet et s'épanche longuement sur le poids d'un ténor de la politique tel que Laurent Wauquiez, à propos duquel il ne mâche pas ses mots. Ainsi que sa garde rapprochée (Isabelle Valentin, Laurent Duplomb, Michel Chapuis...).

A quelques semaines des élections régionales, Yves Rousset jette un pavé dans le marigot politique altiligérien. Interview de l'ancien haut-fonctionnaire, aujourd'hui à la retraite.

Comment est venue l'idée d'écrire ce livre ?

Tout au long de ma carrière, je prenais des notes, j'ai beaucoup de petits carnets noirs. Sans faire un journal, je notais tous les événements importants, je les décrivais pour garder une trace. Fin 2019, je l'ai montré à des amis et ils m'ont encouragé à l'exploiter en raison de sa richesse. Jusqu'en février 2020, j'ai d'abord fait une ébauche de livre, je l'ai repris à l'été 2020 puis en début d'année 2021.

Que cherchez-vous à montrer ?

Je me suis attaché d'abord à montrer ce que fait un préfet. Il y a un aspect pédagogique.

Le titre du livre fait référence à l'incendie de la préfecture. Un événement marquant de votre carrière...

C'est la clé de voûte du livre. Je reviens sur cet événement d'une ampleur nationale. Et le deuxième intérêt est d'argumenter autour de ma thèse.

Quel regard portez-vous sur les Gilets jaunes ?

Mon premier regard était bienveillant, attentif. Je nourrissais de la compréhension et de l'empathie pour ce qu'ils défendaient, des difficultés qu'ils vivaient. Quand ça a dégénéré, mon analyse a été différente.

Après il y a eu cet après-midi de dingue.

Vous estimez que Laurent Wauquiez a sa part de responsabilité. Pourquoi ?

Je fais le lien entre l'incendie, le regroupement sous les fenêtres de la préfecture et ce qu'il s'est passé quinze jours plus tôt : la mairie a appelé à venir sous les fenêtres de la préfecture pour une boisson chaude. Le week-end précédent, il y avait eu la Corrida et l'attitude de Wauquiez, un déchaînement chez les politiques du coin.

Avec le recul, quelle analyse en faîtes-vous ?

J'ai ma part de responsabilité. Avec les radars, ma communication n'était pas bonne. J'ai excité les gens inutilement. Après, j'ai vu ce qu'il se passait dans le Loir-et-Cher (sa dernière affectation après le Puy, avant sa retraite, NDLR). On a des Républicains, des socialistes, et rien ne se passe de la même manière. Les gens se respectent même s'ils ne sont pas du même bord politique, c'est une vie démocratique normale.

J'ai fait le rapprochement avec Marseille aussi. Ce n'était pas toujours simple mais on a pu bosser.

Et en Haute-Loire alors ?

J'ai toujours eu la même attitude, respectueuse et franche. Je n'aime pas les mensonges, les p'tits trucs. En Haute-Loire, ce qui fait la différence, c'est Wauquiez et ses amis. Quand je dis qu'il a une responsabilité, je suis sûr de ça. Je ne dis pas que c'est lui qui a allumé le feu. Mais par son comportement, par les propos qu'il tient régulièrement à propos de l'Etat parce qu'il n'en est pas à la tête, tout cela a contribué à ce déferlement de haine.

Quand vous étiez en Haute-Loire, quels rapports entreteniez-vous avec Laurent Wauquiez justement ?

Je suis arrivé en septembre. En novembre, début décembre, il faisait une conférence de presse où il a sommé tous les maires du coin où il y a eu les inondations de venir, avec les députés. Alors qu'on faisait des groupes de travail réguliers pour optimiser les subventions des uns et des autres, il fait une intervention pour dire que l'Etat ne fout rien, alors qu'il était parfaitement informé. J'ai alors découvert des pratiques étonnantes.

Puis aux voeux à Yssingeaux, il a de nouveau dénigré l'Etat en disant "On peut toujours attendre l'Etat lorsqu'il y a du travail".

Après plusieurs courriers privés, j'ai réagi publiquement et ça, pour eux, c'est insupportable. C'est ça qu'ils appellent faire de la politique. J'étais parfaitement dans mes fonctions, je rétablissais la vérité. Je n'ai réagi que quand l'Etat était attaqué. Je l'ai toujours fait avec mesure.

Depuis la parution du livre, quelles réactions avez-vous reçu ?

Les réactions sont très positives, je n'ai pas encore eu de réactions négatives. De toute manière, je n'ai pas Facebook, ainsi cela m'évite des remontées putrides. Je sais bien que j'en aurai. Dans ce livre, j'ai d'abord fait attention à éviter la diffamation. J'ai des dossiers, le livre est documenté. D'habitude, les préfets ne disent rien. Pendant que j'étais en exercice, il n'était pas question que je fasse état de ces choses-là. Maintenant, j'en suis libéré. Je ne dévoile pas un secret d'Etat, et c'est conforme à la réalité.

Etes-vous revenu en Haute-Loire ?

Jamais, j'y ai gardé des amis. Si on m'invite, je reviendrai !

"La Préfecture est en feu" d'Yves Rousset. Editions Abatos. 19 €.

 Livre La Préfecture est en feu

Dernière modification le mardi, 18 mai 2021 12:37

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