lundi, 02 novembre 2020 21:25

Quand le général de Gaulle venait en visite au Puy-en-Velay

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Matthieu Le Verge est le nouveau directeur du Service départemental de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG) de la Haute-Loire depuis le 1er septembre. Figurant parmi les premiers canaux de la politique mémorielle dans le département, il rappelle que cette année était consacrée à la figure du Général de Gaulle, puisque nous fêtions le 130e anniversaire de sa naissance ; le 50e anniversaire de sa mort, ainsi que le 80e anniversaire de l'appel du 18 juin.

Il a essayé de trouver un lien entre la Haute-Loire et l'ancien président de la République avant la fin de l'année 2020. Or, il s'avère qu'il était justement venu au Puy le 5 juin 1959 pour une tournée de 4 jours dans des départements du Centre de la France. « J’ai notamment eu l’occasion de consulter le dossier concernant l'organisation de sa venue ainsi que des journaux d'époque aux Archives municipales du Puy. J’ai aussi pu retranscrire le discours qu'il avait prononcé place du Martouret, étant donné que l'INA l'a mis en ligne sur son site. »

Quatrième voyage en province

En 1959, le Président décide effectivement d’effectuer son quatrième voyage en province dans différents départements du Centre Est de la France (le Cantal, la Haute-Loire, le Puy-de-Dôme et la Loire), pour aller à la rencontre des Français. C’est donc à 9 heures précises, le vendredi 5 juin 1959, que cette tournée débute par l’arrivée du train présidentiel en gare d’Aurillac. Après une rencontre avec les autorités civiles et militaires présentes pour l’occasion, il prononce sa première allocution à 10h30 devant la foule enthousiaste assemblée devant l’Hôtel-de-Ville. Comme l’écrira un journaliste dans La Montagne le lendemain : « Toute la ville d’Aurillac, ce matin-là, a communié dans un même enthousiasme, dans une même foi en l’avenir du pays ». Puis, après le traditionnel bain de foule, le Général prend aussitôt la route de Saint-Flour – par Vic-sur-Cère et Murat – où il est attendu pour le déjeuner. Or, en dehors des arrêts prévus dans certaines villes par le protocole officiel, le Président ne cesse de jouer la montre et d’interrompre le long cortège officiel afin de saluer personnellement toutes ces personnes amassées au bord de la route, et qui « avaient interrompu quelques instants leur labeur » pour témoigner « silencieusement, la sympathie admirative et le respect qu’ils port[aient] au chef de l’État » (La Montagne).

Un copieux déjeuner avant une halte au Mont Mouchet

Après le copieux déjeuner qui lui fut proposé à la sous-préfecture du Cantal (avec au programme : saumon de la Loire en Bellevue ; cœurs d’artichauts aux morilles ; plateau de fromages ; bombe glacée ; café ; liqueurs), il est pourtant temps de reprendre la route, même si une « étape du souvenir » s’impose d’elle-même avant de poursuivre vers le Velay : le Mont Mouchet. Comme le rappelle le même journaliste ayant participé à ce périple : « Depuis Saint-Flour, nous avions suivi cette même route qu’avaient prise, quinze ans plus tôt, ceux qui, pour répondre aux appels lancés de Londres par le chef de la France Libre, étaient décidés à "bouter le boche hors de France" » (La Montagne). C’est ainsi que, dans l’après-midi, devant la tombe du Maquisard Inconnu, tous les « compagnons de l’ombre » et anciens résistants présents à la cérémonie – à commencer par Émile Coulaudon, alias colonel Gaspard, le chef des maquis d’Auvergne – reçoivent de vive voix les remerciements sincères du « premier résistant de France » ; de celui qui les avait naguère guidés dans leur lutte contre l’occupant.

Des enfants attroupés sur la place du Breuil

Ce n’est finalement que vers 17h30 que le Général fait son entrée debout dans sa voiture découverte au Puy, cette « ville pittoresque tapie au bas d’un cirque de montagnes parmi les roches et les pics volcaniques qui l’ont rendue célèbre » (La Dépêche). Ayant parcouru le boulevard Saint-Louis et tourné sur l’avenue du Vals, le chef de l’État descend du véhicule et passe en revue les soldats présents en même temps que retentit la Marseillaise. Après une nouvelle entorse au protocole qui l’amène à saluer les enfants attroupés Place du Breuil, il se dirige ensuite vers la préfecture où il est accueilli à la grille d’honneur par le maire (M. Pébellier) et le secrétaire général (M. Luhan). Là, il prononce une brève allocution aux différentes autorités constituées présentes. Puis, après avoir tenu audience aux maires présents afin d’évoquer les différentes problématiques locales, le Président, accompagné de M. Pébellier, traverse à pied cette même place du Breuil encadré par deux haies d’honneur compactes formées par les élèves des différentes écoles et établissements scolaires du Puy qu’il salue en souriant et en serrant des mains. Par la rue Porte Aiguière, il gagne alors la place du Martouret et, sur le perron de la Mairie, s’incline devant les tables commémoratives aux Morts de la guerre, et y dépose une gerbe. Selon la tradition séculaire, il ne lui alors reste plus qu’à signer le Livre d’Or de la ville et recevoir en cadeau l’ouvrage des frères Paul, Les Décors du Puy, avant de se diriger vers le podium installé pour l’occasion, afin de prononcer son discours officiel devant la foule massive venue l’ovationner.

« La France est faite pour un grand rôle »

Or, lorsque l’on écoute ou que l’on relit ce discours – dont le contenu avait largement été relayé dans les journaux à l’époque – comment ne pas se faire l’écho de certaines phrases prononcées ce jour-là, notamment quand le Général ne cesse de rappeler que « la France est faite pour un grand rôle », que ce soit « vis-à-vis d’elle-même » ou « vis-à-vis du monde », et tout particulièrement sa « vocation humaine » au profit des « deux milliards huit cents millions » d’hommes qui n’étaient pas encore « sortis de la misère » à cette date.

Un enfant se rappelle

Georges Roche avait 7 ans en 1959. Il a gardé un souvenir ému de cette journée historique. "Mes parents s’étaient rendus sur la place du Breuil, devant la Préfecture du Puy. Le Général De Gaulle est apparu et a salué de nombreuses personnes. Je me souviens parfaitement des mains tendues vers lui et celle des enfants. J’ai eu la surprise de voir sa main posée en salut sur la mienne et d’autres enfants massés dans la foule ont eu cet honneur. Cet instant de contact fût bref mais il est resté gravé dans ma mémoire. Je me souviens également des militaires et des tank stationnés sur cette place. Je me souviens aussi du geste de mes adorables parents : après la cérémonie, ils m’ont acheté un tank jouet en métal !"

Dernière modification le mardi, 03 novembre 2020 09:36

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