Nicole Saint-Sernin et Jacky Darne offrent avec "Entre République et révolution industrielle, en Haute-Loire aux XIXe et XXe siècles", une chronique très vivante d'une période où certains patrons d'industrie ne laissaient pas leur humanisme aux vestiaires.

Parions que lorsque vous prenez un café place Dorian à Saint-Étienne, vous n'avez aucune idée à quel personnage cette place centrale doit son nom. Ou encore quand vous passez devant le lycée Jacob-Holtzer à Firminy ?

Une fois que vous aurez lu cette saga patronale et républicaine, qui démarre avec Frédéric Dorian et la République adolescente, ces patronymes s'incarneront illico. Et bien d'autres encore.

De grands bourgeois protestants républicains

On suit les pas de ces grands bourgeois protestants, capitaines d'industries, tenants du marché de la faulx avec leur fabrique à Pont-Salomon, alliés avec les rois de l'acier de la vallée de l'Ondaine. Parmi ceux-ci, de beaux tempéraments de femmes, républicaines et humanistes farouches, qui méritent diablement cette opportune mise en lumière, ainsi Caroline Dorian, Aline Ménard-Dorian.

Une aventure industrielle, sociale, politique et familiale narrée à plusieurs voix

La force et la singularité de ce travail de mémoire est qu'il s'appuie sur les correspondances des patrons de l'usine de faulx de Pont-Salomon, les Dorian, Holtzer, Jackson, Binachon et Martin. Des courriers d'une incroyable richesse où se mêlent mille préoccupations. Ils traitent aussi bien de la vie de l’entreprise sous ses aspects concrets (techniques, sociaux, conditions de travail), de la politique locale et nationale, que de considérations touchant au quotidien, à l'intime.

Par ce biais, le lecteur plonge avec facilité au cœur de cette aventure industrielle, sociale, politique et familiale. Des photos agrémentent le cheminement. Le livre paru aux éditions du Roure, "Entre République et révolution industrielle, en Haute-Loire aux XIXe et XXe siècles", est le fruit des patientes recherches de Jacky Darne et Nicole Saint-Sernin. 

En écho à leur propre histoire familiale

Frère et sœur, ils ont grandi à proximité des usines Holtzer et Verdié, à Unieux et Firminy, où leur père était chauffeur de four dans la métallurgie après avoir été paysan à Rosières, en Haute-Loire. Leur grand-père maternel travaillait également dans l’entreprise de Jacob Holtzer (qui deviendra Creusot-Loire), la première en France pour la fabrication des aciers spéciaux.

Le hasard de leurs recherches sur l’entreprise les ont conduits à trouver aux Archives départementales de Haute-Loire des lettres d’une douzaine de membres de la famille Holtzer adressées à Fleury et Joannès Binachon, directeurs d’une des seules entreprises industrielles de Haute-Loire à cette époque, une fabrique de faulx, dont ils sont propriétaires.

Une remise en cause des idées toutes faites

"Ces écrits remettent en cause bien des idées toutes faites sur la période. Dorian, fouriériste convaincu, ne peut être seulement qualifié d’exploiteur ou de paternaliste, même s’il n’oublie pas de prélever d’importants dividendes. Les femmes, Caroline, Aline et d’autres sont des femmes engagées et combatives. Le fait que toute la famille soit protestante est à l’évidence une des explications de cette originalité."

On y croise aussi Victor Hugo et Emile Zola...

"Et notre éducation et nos goûts ont donné aux écrivains et artistes du XIXe siècle une place importante. Or dans cette histoire, nous retrouvons aussi bien Victor Hugo, un proche de la famille et dont les descendants se marient avec des filles Dorian, qu’Émile Zola, qui est venu dans l’entreprise pour écrire un de ses livres."

Prix : 20 euros