Vendredi soir, une centaine d'habitants de Saint-Jeures, opposants ou non du projet, ont assisté à la réunion organisée par la mairie, en présence du porteur de projet d'une maison jugée "démesurée" dans le bourg. Le maire a annoncé son intention de suspendre le permis de construire, s'appuyant sur l'intégration paysagère.

Cela restera une réunion surréaliste. Celle où un porteur de projet d'une maison individuelle a dû venir se présenter devant la population pour expliquer ses intentions, répondre aux questions et tenter de convaincre les villageois réticents. Une réunion qui intervient aussi quelques semaines après un incendie suspect pour lequel une enquête est toujours en cours.

Le permis de construire va être suspendu

Pendant deux heures, ce fut un flot ininterrompu de questions et de réponses. La mairie a d'abord rappelé son rôle et son intervention dans ce dossier polémique. "J'avais deux inquiétudes au départ : le coût du projet et donc l'origine des fonds, et le nombre de chambres, la salle de prière et le dôme", raconte André Duboeuf, rappelant qu'il n'a eu "aucun retour de la part des services de l'Etat". Il reconnaît ne pas s'être inquiété suffisamment de l'intégration paysagère et semble le regretter. Il a annoncé que la mairie allait suspendre le permis de construire à travers un arrêté dès lundi. Le dossier pourrait finir devant les tribunaux alors qu'un collectif s'est formé pour intenter une action devant le tribunal administratif pour contester le permis de construire.

"J'ai peut-être la folie des grandeurs"

Toutes les opinions ont pu s'exprimer, tantôt pour critiquer le projet, tantôt soutenir son porteur. Sans perdre son calme, Yassine F. s'est évertué à répondre à toutes les questions. Originaire de Vesoul, à la tête de plusieurs sociétés, dans le bâtiment ou dans les crèches avec sa femme, l'homme de 38 ans, marié et père de trois enfants, admet avoir réussi sa vie et gagner suffisamment d'argent pour "le projet de ma vie" : une maison de 1184 m2 sur un terrain de 10 000 m2. "Je suis un simple citoyen qui veut construire sa maison. Le permis de construire a été déposé dans les règles de l'art. J'ai peut-être la folie des grandeurs mais tout est justifié, je veux que ceux que je reçois soient accueillis dans de bonnes conditions. Je construis une maison pour ma famille, pour abriter mes 8 voitures, ma passion, et un entrepôt pour mon matériel professionnel. Je suis venu pour passer incognito, c'est raté visiblement."

Une rumeur erronée sur le prix du terrain

Yassine F. a ainsi répondu à toutes les questions, même les plus indiscrètes et même osées parfois, concernant les 11 chambres, la salle à usage privé de prière. A une femme qui évoque le prix de 300 000 € pour l'achat du terrain, il contredit cette somme et assure que la parcelle a été vendue "au prix du marché pour un terrain non viabilisé".

La question de la religion

Au sujet de l'incendie criminel dont il a été victime, Yassine F. se permet d'évoquer le sujet. "Je suis victime d'un incendie volontaire dont je ne connais pas les raisons, mais personne n'en parle." "Sûrement pas quelqu'un d'ici", bruisse-t-on dans l'assistance. La question du racisme et de l'islamophobie est abordée. Yassine F. évoque sa pratique de la religion, croyant, peu pratiquant, sinon les fêtes de l'Aïd et le ramadan. Un sujet un peu tabou que certains préféreraient éluder.

"Si vous ne voulez pas de moi, il faut le dire"

Mais le fait divers a forcément refroidi les ardeurs du porteur de projet qui reconnaît être "dans une phase floue", entre son envie de s'installer, de s'intégrer et le choc subi par les siens. Les interventions l'auront-elles rassuré ?

"Si vous ne voulez pas de moi, il faut le dire", demande ce Lyonnais qui ne compte pas réduire la taille de son projet immobilier et compte sur l'appui de ses quatre plus proches voisins, venus lui témoigner leur sympathie. "J'ai les moyens d'un tel projet, est-ce un crime ?"