vendredi, 31 mai 2019 22:03

Journées des Justes au Chambon-sur-Lignon : vivre sans hostilité l'hospitalité

|Valérie Castel-Jordy, Serge-Pierre Mondani, maire de Saint-Beauzire.|FM 43, la radio associative basée à Yssingeaux, retransmettait en direct les tables-rondes.|| |Valérie Castel-Jordy, Serge-Pierre Mondani, maire de Saint-Beauzire.|FM 43, la radio associative basée à Yssingeaux, retransmettait en direct les tables-rondes.|| ||||

La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) organisait au Chambon-sur-Lignon ses Troisièmes journées des Justes sur le thème : "75 ans après la Shoah, qu’est-ce qu’être Juste aujourd’hui ?". Des journées très suivies et passionnantes.

Plusieurs tables-rondes ont jalonné ces deux journées (plus une dédiée à la jeunesse mercredi).

Vendredi matin, la dernière touchait le coeur du sujet avec une interrogation qui résonne singulièrement dans un contexte où le traitement des migrations forcées (liées aux conflits, économiques et bientôt climatiques) questionne notre humanité : "Être juste aujourd’hui, est-ce pratiquer l’hospitalité inconditionnelle ?".

Un public fourni a participé à cette table-ronde aux Bretchs animée par Alain Blum, le président de la Licra Rhône-Alpes, avec Valérie Castel-Jordy (auteure et metteuse en scène), Guillaume Leblanc (philosophe), Serge-Pierre Mondani (maire de Saint-Beauzire), Paul Salmona (directeur du Musée d’art et d’histoire du judaïsme).


Tous des voisins

Guillaume Leblanc mettait en relief l'évolution de la notion d'hospitalité à travers les siècles et signalait que le point charnière remontait à Kant et l'idée d'une hospitalité inconditionnelle. « Cette hospitalité est un droit détaché des valeurs éthiques, mais ne peut s'exercer de manière permanente. » Il poursuivait : « Nous sommes tous des voisins. La condition humaine, c'est la cohabitation. »

Après avoir fait remarquer qu'en français le même mot, hôte, désigne à la fois l'accueilli et l'accueillant, il posait la question fondamentale : « Est-ce que la notion d'hospitalité peut se vivre sans hostilité? »

Et d'y apporter, plus loin, cette réponse : « Il faut vaincre l'hostilité qu'on a en soi pour pratiquer l'hospitalité. »


L'Homme, un migrant par essence

Paul Salmona relevait : « L'Homme est un migrant par essence. Nous n'existerions pas aujourd'hui sans ces migrations successives. » Pointant le réchauffement climatique et ses conséquences, il s'interrogeait : « Lorsque les mers seront plus hautes de 2 mètres, il faudra bien se partager le territoire restant, il faudra bien mettre quelque part les habitants des Seychelles, du delta du Gange, du Bengale... »

Participer à l'éveil des consciences

Valérie Castel-Jordy évoquait sa pièce "La traversée du Azhar" qui sera jouée sur le parvis d'Avignon du 5 au 15 juillet. L'intrigue relate l'histoire d'une famille ordinaire, dont le train-train va être bousculé par un événement fortuit qui la conduira à accueillir un réfugié syrien. Le père croise lors du démantèlement d'un camp le regard d'une petite-fille. Ce regard le travaille... « J'étais intranquille dans mon humanité par rapport à ceux qui frappent à la porte de l'Europe. J'ai fait ce que je pouvais, à mon échelle, pour éveiller les consciences en écrivant cette pièce. Il s'agit bien d'une fiction, pas d'une thèse. »


450 habitants, 70 réfugiés

Le témoignage, applaudi par l'assistance, de Serge-Pierre Mondani, maire de Saint-Beauzire, a permis de rentrer dans le concret. Ce village de Haute-Loire de 450 âmes, à 2 heures de route du Plateau, accueille depuis 2015 des migrants, dans les installations d'un centre Léo-Lagrange. "Ils ont trouvé un havre de paix. Lorsque l'on m'a demandé si j'étais d'accord pour cet accueil, j'ai dit oui tout de suite. Je ne me suis pas posé de question. C'est dans mon ADN.

Et de poursuivre : « Nous avons fait un travail avec le conseil municipal. Je me souviens de ce moment très fort, un mois de novembre très froid. Ils sont arrivés les yeux hagards, transis. C'était des hommes uniquement. Je leur ai simplement dit "Vous êtes ici chez vous". »


Un élan de solidarité

« Nous avons vécu des choses merveilleuses... Nous accueillons 70 personnes, une dizaine de familles, 18  enfants dont 9 sont scolarisés à l'école communale, qui a ainsi gagné un troisième poste d'enseignant. Je ne fais pas d'angélisme. Il y a eu quelques difficultés. Nous sommes des Auvergnats. Des familles dans la tradition du repli sur soi ont vu leurs réticences s'éroder au fil des jours. Et aujourd'hui, elles participent à un élan de solidarité autour de ces migrants. Une cinquantaine de bénévoles sont investis. »

Dernière modification le vendredi, 31 mai 2019 23:13

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