jeudi, 25 février 2021 19:46

Proxénétisme hôtelier au Puy-en-Velay : l’élu et sa compagne venus s’expliquer devant le tribunal

|Me Antoine Vey|Me Aurélie Chambon|||| |Me Antoine Vey|Me Aurélie Chambon|||| ||||||

Jeudi après-midi, le tribunal du Puy-en-Velay jugeait Marc Bolea, conseiller départemental, et sa femme, dans une affaire de proxénétisme hôtelier dans deux gîtes du Puy-en-Velay. Il leur est reproché d’avoir toléré la prostitution et d’avoir été complice.

Séparés depuis leur mise en examen début décembre dans le cadre de leur contrôle judiciaire, Marc Bolea et sa compagne devaient répondre devant le tribunal du Puy jeudi.

Le toujours conseiller départemental, ancien président des pompiers de Haute-Loire, est poursuivi pour « complicité de tolérance habituelle de la prostitution dans un lieu ouvert au public », « recel habituel de biens provenant d’un délit » et « recours à la prostitution ».

Quant à l’hôtelière, elle est poursuivie pour « tolérance habituelle de la prostitution dans un lieu ouvert au public » et « blanchiment ».

L'élu déplore le « lynchage médiatique »

Marc Bolea, élu depuis 1995, se défend de tout ce qui lui est reproché et regrette le « lynchage médiatique ». Tout serait parti d’un article de l’Eveil paru en octobre 2019 sur la prostitution au Puy. Le Gîte de la Gazelle est cité. Marc Bolea aurait alors mis sa compagne en garde, lui demandant de veiller à ce que cela ne se reproduise pas, estimant avoir une réputation à garder. « Je ne suis jamais allé dans le gîte de l’avenue Foch. Et à la Gazelle, je ne suis jamais monté dans les étages. En aucun cas, je n’ai participé à quoi que ce soit. Je ne connais pas le montage financier, la trésorerie. On vit ensemble mais chacun s’occupe de ses affaires, c’était notre deal. Je n’ai jamais touché le moindre centime »

Se représentera-t-il aux prochaines élections

Il poursuit : « C’est un déballage médiatique, on dirait que j’ai tué quelqu’un. Le respect de la présomption d’innocence n’a pas été respecté. » Via son avocat, Me Antoine Vey, il a fourni des attestations de tous ceux qui l’ont côtoyé : les trois derniers colonels du SDIS, le directeur du CAUE, l’ancien maire de Vals et le président du Conseil départemental. « Je ne sais pas encore si je me présenterai en juin aux élections départementales. J’attends d’abord le résultat de ce procès. Je me réserve le droit d’être ou non candidat. »

Le seul fait qu’il reconnaît, c’est d’avoir été client de prostituées, ailleurs que dans les deux gîtes. « Dans la vie sentimentale, il peut y avoir des hauts et des bas. Je me suis tourné vers cette solution à un moment difficile. Aujourd’hui, je le regrette. »

Ce que dit l'enquête

Une première surveillance physique aurait déterminé des allées et venues suspectes. Une enquête plus approfondie permet de vérifier les téléphones, les revenus, les personnes.

Le lundi 7 décembre, le couple est interpellé. Douze prostituées sont alors présentes dans les neuf chambres de « Foch » et « La Gazelle », dont une femme de 75 ans. 6720 euros en liquide sont saisis, soit 15 jours à 3 semaines de loyers. Il est reproché à la propriétaire, non pas d’avoir organisé la prostitution, mais d’avoir laissé faire. C’est la « tolérance à la prostitution ». « L’enquête a permis d’établir que Madame, en toute connaissance de cause, louait des chambres à des personnes pour de la prostitution », annonce le substitut du procureur de la République, Rodolphe Part.

L'hôtelière reconnaît à demi-mots

« Je me suis laissée déborder », reconnaît l’hôtelière qui énumère tous ceux qu’elle a hébergé depuis 2006 avec une dimension sociale, que ce soit à l’hôtel Le Régional, au gîte de l’avenue Foch ou à celui de la rue de la Gazelle. La chambre coûte entre 40 et 50 €, « le moins cher du Puy, quel que soit le client ». Elle assure : « Je n’ai jamais vu une seule transaction. Je ne me mêlais pas de ce qu’elles faisaient. »

Les enquêteurs ont relevé un train de vie très bas, supposant que l’argent liquide, principal moyen de paiement, n’était pas déclaré en totalité. Les poursuites concernaient du blanchiment à travers l’argent qui passait par la société SARL, qui exploite, et une Société civile immobilière, la propriétaire des biens.

Les réquisitions du Parquet

Dans ses réquisitions, jeudi, le Parquet n’a pas souhaité « faire de M. Bolea un exemple mais il doit être sanctionné. En tant qu’élu, il a un devoir d’exemplarité ». Il a demandé, pour Marc Bolea, 6 mois avec sursis, 5 000 € d’amende, l’interdiction de détenir et porter une arme pendant 5 ans, et 250 € d’amende pour la prostitution. Pour l’hôtelière, « impliquée au premier plan », il a demandé 12 mois de prison avec sursis, l’interdiction du port d’arme et une amende de 3000 €.

L’avocat de l’élu plaide la relaxe

Me Antoine Vey, l’avocat du conseiller départemental, s’est montré offensif sur l’enquête et sur les charges qui pèsent sur son client. Il a demandé la relaxe. « Il a été cité en 24 heures comme un proxénète. Il a fait l’objet d’une fuite organisée de l’information. La procédure est d’un caractère bancal fou. C’est le règne de la suspicion. La vérité, c’est qu’on s’est trompé. Il en a pris plein la figure pour rien. Votre décision (il s’adresse à la présidente du tribunal) pourrait au moins remettre les principes en ordre. Dans ce dossier, on démontre rien, on suspecte. Il fallait bien trouver quelque chose alors on a découvert qu’il avait eu recours à des prostituées. Quel équilibre a-t-il troublé ? C’est totalement disproportionné par rapport aux faits. »

L’avocate de l’hôtelière favorable à du sursis

« Vous devrez la condamner car la limite légale a été franchie », convient Me Aurélie Chambon, qui demande une peine avec sursis. « Lui enlever ses biens représenterait une mort sociale pour elle qui a toujours travaillé. Aidez-la plutôt à se relever, à rester digne en ne lui interdisant pas d’exercer. »

Une décision donnée le 18 mars

Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 18 mars « pour se donner le temps de la réflexion ».

« On a payé cher des erreurs qu’on a commises. On est déjà privé de se voir depuis 76 jours », conclut Marc Bolea.

Dernière modification le jeudi, 25 février 2021 20:02

Partager sur :