mardi, 28 septembre 2021 12:17

Anthony Villemont, en immersion au collège Lafayette au cœur de la Première Guerre mondiale

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Anthony Villemont, lui-même ancien élève du collège Lafayette du Puy, a captivé les élèves et éveillé leur curiosité en venant partager sa passion autour de la Première Guerre mondiale.

Actuellement employé au musée Crozatier, Anthony s’est toujours passionné pour la Première Guerre mondiale. Ses recherches, comme il le dit, il les « mène depuis des années » tant au niveau du parcours des différents régiments de la Haute-Loire que de l’uniforme et de l’équipement que les soldats altiligériens portaient.

Le 86e régiment d'infanterie du Puy

A ce titre, il fait partie de l’association « Les Greniers de nos Soldats » basée à Brioude et du « Souvenir Franco-Polonais », une association nationale cherchant à entretenir la mémoire et le souvenirs des anciens combattants français et polonais. Il a d’abord expliqué aux élèves que la ville du Puy était en août 1914 une ville de garnison puisque le 86e régiment d’infanterie (R.I.) y stationnait. Ce régiment, dont les origines remontent à 1689, était alors composé de jeunes hommes de 20 à 23 ans effectuant leur service militaire obligatoire et occupant les casernes « Romeuf » (abritant aujourd’hui la Gendarmerie nationale), « Mouton-Duvernet » (aujourd’hui le centre Pierre Cardinal) et « du Séminaire » (l’édifice étant aujourd’hui occupé par le diocèse du Puy). A la mobilisation, de nombreux réservistes revenus à la vie civile sont rappelés à l’activité. Les hommes de 24 à 26 ans viennent renforcer les rangs du 86e R.I., ceux de 27 à 33 ans et une partie des cadres d’active mettent sur pied le 286e R.I. et ceux de 34 à 39 ans sont incorporés au sein du 101e régiment d’infanterie territoriale (R.I.T.). Les réservistes les plus âgés, ceux entre 40 et 46 ans, ne sont pas immédiatement mobilisés mais certains volontaires forment alors une garde communale qui vient aider la gendarmerie dans ses missions de surveillance de la voie publique et de maintient de l’ordre.

Parti du Puy le 5 août 1914, le 86e R.I. déplorera la perte de 1811 militaires morts pour la France. Engagé des les premières offensives sur la frontière franco-allemande, le 86e se bat en Lorraine et, à la journée de Baccarat, le 25 août, enregistre en une journée la perte de 689 soldats tués, blessés ou disparus (28% de son effectif) dont son chef de corps, le colonel Couturaud, blessé et capturé par les Allemands qui succombera à ses blessures le 10 septembre. Après toute une année à subir les bombardements de l’artillerie allemande dans ses tranchés, les altiligériens sont plongés en février 1916 dans la fournaise de Verdun où le régiment est l’un des premiers à s’opposer à l’avancée allemande sur le fort de Vaux puis, en septembre, il prend part à la terrible bataille de la Somme. Occupant des avant-postes dans les tranchées jusqu’en 1918, le régiment s’illustre de nouveau dans l’Aisne avant de terminer la guerre en Champagne. De son côté, le 286e R.I., après un séjour d’instruction dans les Alpes, se battra férocement en Lorraine avant d’être dissous en 1916. Le 101e R.I.T. qui ne devait normalement pas prendre part au combat, est tout de même envoyé au front lors de la bataille de Verdun pour arrêter l’offensive allemande et sera dissous en 1918. Pour être complet, notons que le dépôt mobilisateur du Puy fournira en 1915 un quatrième régiment, le 301e R.I.T., qui connaitra un parcours plus calme avant d’être lui aussi dissous en 1917.

Des reproductions d'uniformes

Anthony Villemont, reproductions d’uniformes fidèles à ceux d’époque et équipement originaux en démonstration, a expliqué l’inadaptation totale de l’uniforme que portaient les fantassins du Puy en août 1914. Affrontant un soldat allemand portant une vareuse vert-de-gris discrète et confortable et un équipement allégé, nos hommes portaient quant à eux une tenue qui n’avait pas beaucoup évoluée depuis la guerre de 1870. L’uniforme se composait alors d’un képi garance recouvert d’un manchon de toile bleue, d’une lourde capote croisée en drap de laine gris de fer bleuté, d’un pantalon garance, d’une paire de jambière et d’une paire de brodequins en cuir noirci. L’équipement, comprenant ceinturon, cartouchières, porte-épée-baïonnette, bretelles de suspension, étui-musettes, havresac, bidon et fusil « Lebel » dépassait les 30 kg ! Réalisant très vite que cette tenue de campagne est celle d’un autre temps, l’Armée réagit vite et se modernise.

Les gaz de combat à partir de 1915

Les premières mesures d’urgence datent de septembre 1914 avec l’adoption d’un nouveau képi et d’une nouvelle capote droite confectionnée avec des draps divers présentant une multitude de nuances allant du bleu violacé au gris et la distribution de couvre-pantalons en toile bleu qui vient recouvrir le garance. Il y a alors plus d’un million d’hommes à habiller et l’Intendance ne suit pas ! Jusqu’au printemps 1915, pas un des hommes du 86e R.I. n’est habillé de la même manière : panachages de capotes ancien modèle gris de fer bleuté et de capotes nouveau modèle « bleu horizon », pantalons-culottes en velours marron, beige ou bleu côtoyant des pantalons en drap réquisitionnés dans le civil ou dans les compagnies locales de pompiers, équipement en cuir ou « ersatz » en toile, etc. Il faudra surtout compter sur les familles restées à l’arrière pour expédier aux « Poilus » des gilets, écharpes, passe-montagne et gants tricotés en laine. Avec l’apparition des gaz de combat en avril 1915, aucune armée belligérante n’est équipée de protection efficace contre les armes chimiques. Sont alors envoyés en urgence des bâillons en gaz remplis de coton humidifiés avec une solution chimique neutralisante et portés avec une paire de lunettes en caoutchouc réquisitionnée dans le civil. Dans certains cas, la solution neutralisante n’était pas assez humide et les hommes devaient alors uriner sur leur bâillon pour rendre celui-ci suffisamment imperméable et efficace aux attaques au chlore. Au mois de juin 1915, les premiers hommes de renfort sont armés du nouveau fusil « Berthier » plus moderne et plus simple d’utilisation puisqu’il permet de tirer des clips de trois cartouches alors que le « Lebel » devait se recharger munition par munition. En août, les premiers casques « Adrian » équipent enfin les hommes du front. En tôle d’acier, il a un cimier qui permet d’atténuer les chocs des bouts de ferrailles que peut recevoir le soldat lors d’un bombardement d’artillerie.

Ce ne sera qu’au printemps 1916 que l’uniforme français sera enfin harmonisé. A ce moment-là, la quasi-totalité des capotes, pantalons-culottes et bandes molletières sont confectionnés avec le nouveau drap « bleu horizon ». Après la succession de protections anti-gaz rudimentaires qui ne couvraient que le nez et la bouche (compresse C1, tampon P2, tampon T) le masque M2 apparait en mars. C’est pour le coup un vrai masque à gaz très efficace et rapide d’utilisation puisqu’il recouvre entièrement le visage. En septembre 1916, la crise de l’habillement qu’avait connue l’armée française l’année précédente est terminée et l’on peut se permettre de revenir à l’adoption d’une capote plus couteuse en matière première, main d’œuvre et temps de confection. On revient alors à un modèle croisant sur la poitrine, plus chaud et qui permettra de réduire les nombreux cas de tuberculose ou de pneumonie. Dernière grande évolution, l’apparition du masque ARS contre les gaz de combat pendant l’hiver 1917-1918. Ce masque, préfiguration des masques modernes est doté d’une cartouche filtrante qui peut se dévisser et qui multiplie grandement l’autonomie d’utilisation par rapport aux anciens modèles humidifiés. Coiffé du casque Adrian, habillé de la capote croisée, du pantalon-culotte et des bandes molletières bleu horizon et chaussé avec des brodequins de cuir fauve, le combattant de 14-18 venait de fixer sa silhouette dans la mémoire collective des Français. Jetez un coup d’œil au monument aux morts de votre ville ou de votre village et, s’il s’y trouve une statue de « Poilu », l’homme représenté y sera très souvent sculpté avec cette tenue, abandonnant le képi et le garance au douloureux souvenir de guerre de 1870-71.

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