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Depuis trois semaines, tous les écoliers de Haute-Loire sont confinés à la maison avec une continuité pédagogique demandée par l'Education nationale. Nous avons posé la question à plusieurs directeurs d'école de Haute-Loire, de la maternelle au lycée.

Clément Celle, élève de première au lycée Saint-Gabriel à Yssingeaux, vit plutôt bien le confinement et l'école à la maison. Depuis sa maison, située au milieu de la campagne, il alterne entre devoirs, amusement et plein air. "La première semaine, c'était l'horreur. On avait une montagne de devoirs. Les profs ont ajusté et depuis ça va beaucoup mieux. Les profs se sont bien adaptés avec des solutions efficaces pour travailler."

Le confinement entraîne évidemment un ralentissement dans le programme. "Je m'astreins à travailler tous les jours. Je passe en moyenne trois heures par jour, entre les visio-cours et le travail personnel."

Ecole de Valprivas

Selon Mathilde Ebrard, "certaines notions seront à revoir lors de la réouverture de l'école, mais on déroule ce qui était prévu, en apportant une aide différente de celle mise en place d'habitude, notamment via les vidéos éducatives extraites de la super banque de données de Canopé. Nous proposons régulièrement des activités additionnelles, que les enfants et les parents s'approprient en fonction de leurs possibilités".

"Il est important de prendre en compte le côté inédit de la situation, pour les enseignants mais surtout pour les parents, qui sont pour la plupart en télétravail et qui doivent gérer leur vie professionnelle à la maison, tout en pilotant l'école à distance. On ne peut pas remplacer 6 heures de classe à l'école par 6 heures d'école à la maison. Nous avons l'immense chance d'habiter à la campagne, et la majorité de nos élèves ont un jardin : jouer dehors, sauter, jardiner, creuser... c'est nécessaire et fondamental pour un enfant, surtout en ces temps anxiogènes."

"Nous communiquons quotidiennement avec les élèves grâce à des plateformes numériques, sur lesquelles nous rappelons le programme du jour, postons des vidéos éducatives expliquant les notions du jour, et proposons des petits défis. Nous communiquons aussi régulièrement par mail, mais aussi par téléphone, les jours de permanence à l'école (lorsqu'une garde est assurée pour des enfants de soignants). Nous sommes une petite école, avec une vingtaine de familles : c'est aussi ce qui rend ce mode de communication possible !"

"La principale difficulté a été, au début, de choisir comment communiquer avec les enfants et leurs familles, que communiquer, quand communiquer, et surtout avec quels outils? Comme la situation ne s'était jamais présentée, nous ne nous étions jamais posé ces questions ! Tout est allé très vite , et il a fallu faire « vite et bien », pour rassurer les familles en leur donnant des informations « claires et pertinentes », et des outils « simples et efficaces ».

"Tout s'est mis en place au fur et à mesure et nous remercions vraiment les familles pour leur compréhension, leur adaptabilité et leur immense collaboration dans l'installation de l'école à distance. On parle souvent de l'adaptation des enseignants en ce moment, mais ce sont les parents qui ont du jour au lendemain été placés « en première ligne » dans l'éducation scolaire de leurs enfants. Nous, le contexte fait que nous sommes, de facto et malgré nous, un peu « en retrait »... ce qui est frustrant il faut l'avouer."

"Je félicite aussi les élèves, qui pour beaucoup ont surpris leurs parents par leur sérieux et leur implication ! Ils ont vite compris que les « coronavacances » (comme ils les ont baptisées ce fameux vendredi 13) n'étaient pas des « vacances » du tout, et chacun fait de son mieux pour continuer à apprendre et à progresser. C'est assez émouvant pour un enseignant, finalement, d'assister à cela à distance."

Ensemble scolaire catholique d'Yssingeaux et Saint-Martin à Tence

Richard Barthélémy dresse un tour d'horizon de l'enseignement à distance des ensembles Saint-Gabriel à Yssingeaux (maternelle à BTS) et Saint-Martin à Tence (maternelle à collège) : "J'ai été bluffé par la rapidité et l'efficacité des équipes enseignantes qui se sont mobilisées du jour au lendemain en proposant une démarche pour laquelle nous n'avons jamais été formés. Sur les deux établissements, nous avons laissé les enseignants choisir leur mode de fonctionnement toujours en lien avec notre ENT (Environnement numérique de travail) pour qu'ils se sentent à l'aise avec les outils informatiques qu'ils ont à leur disposition. Certains proposent des tutos, d'autres des visios, d'autres des powerpoints... Suivant les matières enseignées, il faut choisir les supports les plus adaptés. Les élèves aiment pouvoir de temps en temps, sur une courte durée, échanger avec leurs enseignants en visio. Les élèves sont en contact quotidien avec leurs enseignants. Chacun essaie de proposer un savant dosage de formes pédagogiques différentes pour que les élèves puissent suivre à distance et ne pas décrocher. L'équilibre à tenir est difficile, pour les élèves mais aussi les parents puisque chacun a dû se réapproprier une posture de travail nouvelle et très contrainte. La volonté première de chaque enseignant a été de proposer l'ensemble du programme. Cette volonté bien légitime doit être maintenue pour les niveaux à examen. Pour les autres niveaux, face à des retours de parents bien légitimement débordés par les contraintes techniques (3 enfants avec des niveaux différents, les parents en télétravail....) j'ai demandé aux équipes de rester vigilantes et de revoir les exigences notamment en priorité l'essentiel pédagogique pour éviter le décrochement."

"Les inquiétudes commencent à venir pour les jeunes car la situation semble s'inscrire dans une durée plus longue que celle envisagée au départ. Les premiers inquiets sont les terminales avec la gestion de parcours sup pour des familles dont les liaisons internet dysfonctionnent, c'est anxiogène."

"Les enseignants sont aussi parfois parents et sont aussi parfois en difficultés dans leur quotidien pour s'occuper de leurs enfants et de leurs élèves. Faire cours c'est entrer en relation avec un groupe en classe et beaucoup de choses se passent dans un groupe qui n'est pas la simple association de plusieurs élèves mais qui est un ensemble d'interaction dynamiques. Cette alchimie est rompue et la technique ne peut pas pallier à tout. Les enseignants sont désireux de se retrouver, de retrouver ce qui est le cœur du métier, à savoir la relation humaine sans filtre."

"Pour les BTS, les cours plus pratiques sont adaptés à distance avec une démarche plus virtuelle. Nous avons de la chance car pour ces filières le gros de l'enseignement avait été fait..."

"Par ailleurs, l'établissement souhaite s'engager dans les prochains jours pour que les jeunes réfléchissent sur la situation qu'ils sont contraints de vivre, qu'ils puissent écrire ou produire quelque chose qui laisse trace, qui ait du sens, qui alimente la réflexion et l'analyse. Les voyages scolaires ont été annulés mais un voyage au cœur de la famille, un voyage intérieur est possible, peut-être difficile pour des raisons multiples. C'est d'ailleurs aussi une possibilité pour tous d'exprimer leurs émotions pour se libérer. L'établissement centralisera ces productions pour les partager au plus grand nombre."

Lycée agricole George-Sand à Yssingeaux

Pierre Martin, le proviseur, explique la situation : "La continuité pédagogique a été mise en place au lycée agricole dès le vendredi 13 mars afin de préparer le plus tôt possible les élèves et leurs familles aux cours à distance. Elle se présente sous la forme d'un plan permettant aux enseignants d'assurer leurs cours depuis leur domicile à celui des élèves. Le lycée a nommé des enseignants référents qui suivent chacun entre 5 et 8 élèves par classe afin de faire le point chaque semaine, l'enseignant suit l'élève sur son moral, son travail et l'accompagne sur son organisation à la maison. Les enseignants référents, en plus de leurs cours, font une remontée du bilan des élèves aux professeurs principaux les jeudis de chaque semaine afin que celui-ci fasse un point hebdomadaire les vendredis à la direction."

"Après deux semaines de confinement, un bilan sur le fonctionnement de la continuité pédagogique a été réalisé par la direction et les CPE permettant de différencier les élèves qui ont des difficultés dans leur travail, de ceux qui ne jouent pas le jeu et ceux qui ont des soucis de connexions à l'ENT. Un suivi individuel pour ces élèves va être mis en place avec l'aide des assistants d'éducation."

"L'ENT Auvergne-Rhône-Alpes est l'outil principal utilisé. Toutefois dès le début, d'autres moyens ont été utilisés : mailing, webconf, MMS, WhatApps, Classe virtuelle... Par exemple un enseignant en physique-chimie a réalisé un cours de chimie dans sa cuisine en visio-conférence."

"Les premières difficultés ont été de se connecter sur l'ENT. L'utilisation massive de tous les élèves et de leurs familles a saturé assez vite l'ENT. La Région Auvergne-Rhône-Alpes a mis tous les moyens en oeuvre pour un retour à la normale."

"Après une première semaine de fonctionnement, il a été demandé aux enseignants d'alléger les devoirs et de prolonger les délais de rendus afin que chaque élève puisse s'organiser avec les soucis de connexion de l'ENT. La prochaine difficulté pourrait être le décrochage et nous devons permettre aux élèves de tenir dans la durée."

"Les personnels sur site continuent de partager des photos du lycée afin de montrer aux élèves que l'établissement les attend pour un retour en classe. Même si le stress est là au vue des sujets de l'actualité, nous invitons nos élèves à s'aérer et à faire du sport avec les autorisations qui s'imposent, et nous les invitons à s'accrocher durant les prochaines semaines afin de poursuivre leurs études à distance. Nous sommes à leurs côtés pour faire en sorte qu'ils gardent le lien avec le lycée et les animaux qui sont sur l'exploitation agricole et le centre équestre. Nous proposerons prochainement une visite virtuelle de l'établissement pour les nouveaux venus."

Ensemble scolaire Notre-Dame-du-Château à Monistrol-sur-Loire

Jean-François Fournier est le directeur de l'Ensemble scolaire Notre-Dame-du-Château. "La « continuité pédagogique », ce terme qui est devenu très populaire en quelques jours, ce n’est justement pas que du pédagogique. Nous voulons que ce soit un vrai acte éducatif, c’est la raison pour laquelle les personnels de vie scolaire sont également impliqués notamment au travers d’un appel téléphonique, au minimum une fois par semaine, des 1850 élèves du second degré. Chaque semaine, je tiens également à adresser un courrier aux familles pour les maintenir en lien avec l’établissement de leur enfant."

"Il est inenvisageable de reproduire les mêmes journées de travail à la maison que celles qui sont vécues dans l’établissement. Dans ce cadre, des choix doivent être faits dans les programmes. C’est d’une certaine manière l’occasion de s’interroger sur les priorités et de mettre en avant les éléments essentiels. Cela pourrait paraître paradoxal, mais j’ai l’impression que la distance a encore renforcé le travail collaboratif entre les enseignants. Il y a une vraie mutualisation des bonnes pratiques."

"Nous nous sommes appuyés sur notre environnement numérique de travail. Nous n’avons pas souhaité uniformiser les pratiques. Nous pensons qu’il n’y a pas qu’une seule manière d’enseigner à distance et c’est tant mieux car si c’était le cas, nos jeunes auraient tôt fait de zapper. Pour eux, pouvoir passer d’une séance de visio-conférence, à la lecture d’un cours aménagé, à la recherche puis à la correction d’exercices, à l’écoute d’un document audio, à l’analyse d’un texte, au visionnage d’une vidéo éducative, … tout cela accompagné à distance mais dans une relative autonomie est un vrai atout."

"C’est dans cette situation que l’on s’aperçoit le plus des disparités : sur le plan de l’accompagnement à la maison, sur le plan de l’équipement numérique, sur l’accès à internet et le débit. Il y a des éléments sur lesquels nous avons pu intervenir, par exemple en prêtant des ordinateurs ou des tablettes. Dans certains cas, nous avons mis à disposition les documents imprimés lorsqu’aucune connexion n’est possible."

"Dans cette situation inédite et parfois anxiogène, il est normal qu’il y ait de l’inquiétude. Cependant, tout le monde a bien conscience qu’au delà du contenu, nos élèves montent en compétences également sur le plan des méthodes. Pour rassurer au maximum et éviter le découragement, nous nous sommes néanmoins engagés dans un rythme que l’on veut le plus régulier possible ; à notre sens, la régularité est source de sérénité pour les apprentissages. C’est la raison pour laquelle nous avons opté pour un séquencement des activités, des cours, des travaux à effectuer et à rendre, des corrections d’exercices,... La régularité ne doit pas engendrer la monotonie et je suis ravi de constater que les enseignants font preuve d’inventivité dans leurs façons d’aborder cette continuité pédagogique.

"Pour le lycée professionnel, même si certaines activités peuvent être faites à distance dans les disciplines professionnelles, tout le travail dans les ateliers est forcément stoppé. Dans ce cadre, nous avons décidé de profiter de la période de confinement pour renforcer l’enseignement général et à la reprise, nous ferons davantage d’enseignement professionnel."

Lycée Léonard-de-Vinci à Monistrol-sur-Loire

David Gay est le proviseur du lycée public de Monistrol-sur-Loire : "Dès le vendredi 14 mars, nous avons adressé une note aux familles par ENT et sous forme papier (934 copies) pour expliquer les fondamentaux de l'organisation de la continuité d'action pédagogique notamment pas l'utilisation de l'ENT mais aussi par celle des outils web utilisés par les professeurs avec leurs élèves. Les familles devaient alors se signaler si elles n'avaient pas leurs identifiants ENT et si certaines d'entre elles étaient éloignées du numérique."

"Nous avons donné la consigne aux professeurs d'utiliser prioritairement l'ENT, sans les limiter dans leurs possibilités d'actions par d'autres moyens (mail personnel, plateforme de visio, plateforme de partage de documents collaborative, messagerie instantanée, etc., cela s'est révélé utile lors de l'engorgement de l'ENT. Ils ont fournis un emploi du temps à la semaine sur lequel ils indiquent leurs disponibilités pour être joints et par quels moyens. Les professeurs doivent d'autre part informer la direction des élèves qui ne se manifestent pas sur l'ENT ou tout autre moyen mis en œuvre."

"Nous avons mis en place un service de reprographie pour les élèves qui n'auraient pas accès au numérique. Mais cela ne se révèle pas utile, car il n'y a pas eu de demande dans ce sens. Nous avons mis à disposition une dizaine de PC portables au bénéfice de familles n'étant pas équipées ou ayant de nombreux enfants et peu de ressources."

"Chaque jour, la direction et les CPE travaillent sur des listes d'élèves remontées par les professeurs en appelant les familles pour prendre connaissance d'éventuelles difficultés mais aussi pour rappeler le moyen de contacter les professeurs et rappeler la nécessité de poursuivre le travail et transmettre les difficultés des familles."

"Les conseils de classes ont pu être menés soit en visio-conférence, ou encore simplement au téléphone lorsque les réseaux étaient trop chargés. Quant aux étapes de Parcoursup, elles se déroulent sans difficulté."

"Un Snapchat du lycée vient très utilement compléter l'ENT pour passer les rappels des temps forts, date limites des opérations clés de l'orientation post-bac et tout autre information sur la continuité pédagogique."

"Une permanence administrative téléphonique et présentielle est organisée au lycée sur les horaires d'ouverture habituels et permet de répondre à toute demande sans délai. Deux secrétaires sont équipées pour travailler sur les outils depuis leur domicile."

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